Lectio divina – Vingt-neuvième dimanche du temps ordinaire

Is.45, 1-6​​1 Th.1, 1-5​​ Mt.22, 15-21

Ez 37, 12-14 // Rm 8, 8-11 // Jn 11, 1-45

Le Seigneur nous propose aujourd’hui de faire un peu de théologie de l’histoire avec la réponse si connue que Jésus fait à ceux qui l’interrogent : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ! »

Jésus lâche cette phrase qui fera partie de ces mots fameux recueillis par les pages roses du dictionnaire au même titre que : « Souviens-toi du vase de Soissons », ou « Courbe-toi fier Sicambre » Ce sont des phrases d’ailleurs que l’on utilise quelquefois pour montrer sa pauvre culture sans en comprendre trop bien le sens. La meilleure preuve en est que souventce sont des anticléricaux farouches qui citeront cette phrase évangélique pour rappeler la séparation de l’Église et de l’État !

Essayons de sortir de notre esprit hexagonal et de voir autre chose que ce que notre bon peuple, dans sa tradition républicaine a dit et redit, rabâché et ruminé sur la séparation des pouvoirs !

« CHERCHEZ LE ROYAUME D’ABORD… »

On pourrait d’abord et tout simplement prendre cette phrase en son sens premier de conseil de vie spirituelle. Nous pourrions la traduire par exemple par : Occupez-vous des affaires de Dieu et laissez le monde s’occuper des siennes. Jésus le dira avec ces mots si imagés : « Laisse les morts enterrer les morts, toi viens et suis-moi pour annoncer le Royaume de Dieu. »Nous pourrions aussi rappeler le non moins connu : « Cherchez le Royaume d’abord et tout le reste vous sera donné de surcroît. » Ce sont ces conseils très simples que tous les grands spirituels ont appliqué à la suite de Jésus. Nous pourrions donc donner à cette phrase -qui a été fortement politisée- ce sens premier concernant notre conduite chrétienne.

Cependant nous ne pouvons pas oublier que cette phrase a été la pierre d’achoppement dans de nombreuses et dramatiques occasions, qui débordent largement le cadre de la France, même si notre pays tient la première place eu égard aux conflits entre l’Église et l’État. Je pense par exemple à Thomas More, le chancelier du roi d’Angleterre Henri VIII, qui a préféré se faire trancher la tête plutôt que d’avaliser le remariage de son prince, (lequel était à l’époque, rappelons-le, dénommé par la papauté du XVIème siècle : le roi très catholique défenseur de la foi !)

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

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THÉOCRATIE ET CÉSARO-PAPISME

Ces problèmes de rapport entre l’Église et l’État ne datent pas d’Henri VIII bien entendu, puisque l’Évangile nous montre qu’ils sont déjà présents au temps de Jésus, ce qui pourrait nous sembler apparemment curieux vue la religiosité du peuple hébreu.

Oui, déjà à l’époque de Jésus, se pose cette question du conflit entre l’État, le monde politique et l’Église. Les hérodiens sont des collaborateurs sans retenue qui préfèrent se soumettre à l’empereur, quitte à être obligés de sacrifier à César, ce qui pour un Juif était l’abomination des abominations : on ne sacrifiait qu’au Seigneur Yahvé, et il était inconcevable de diviniser un homme -fut-il le maître du monde civilisé- jusqu’à sacrifier en son nom. Ensuite il y avait les pharisiens, toujours un peu hypocrites : ils paient l’impôt mais considèrent cela comme un affront… À l’extrême opposé des hérodiens, il y avait enfin les zélotes que l’on pourrait appeler intégristes ou fondamentalistes… refusant systématiquement la domination romaine et en particulier l’impôt levé par César. D’où la question posée par les Juifs à Jésus.

Ensuite, dans l’histoire de l’Église vont se multiplier ces différents conflits qui navigueront entre deux écueils : le césaro-papisme propre à l’Orient (les empereurs de Byzance s’ingèrent dans l’Église soi-disant pour la protéger), et du côté de notre monde occidental, nous aurons les théories qui flirteront -surtout au Moyen-Âge- avec un système politique de théocratie. Les conflits donc ne manqueront pas ; tel celui qui, 400 ans avant Henri VIII, provoqua le martyre de Thomas Becket par Henri II.

Soulignons que cet épisode tragique se situe dans un environnement politique particulièrement complexe puisque dans une Angleterre appartenant à ce monde théocratique de la chrétienté européenne, mais avec un roi-duc Plantagenêt voulant, pour asseoir son autorité, briser l’indépendance de l’Église d’Angleterre et instaurer une sorte de césaro-papisme à l’orientale. C’est pour s’être opposé à ce phagocytage de l’Église que Thomas Becket, devenu archevêque de Cantorbéry, sera assassiné en 1170.

Cela pour dire que les conflits entre Église et gouvernements ont existé de tous temps.

« SERVIR SA GLOIRE SANS PARTAGE, VOULOIR CE QUE DIEU VEUT… »

On le comprend facilement : servir Dieu -comme nous l’avons prié dans la Collecte, à savoir de tout cœur, servir sa gloire sans partage, vouloir ce que Dieu veut- servir Dieu ainsi, pour nous chrétiens n’est pas chose facile. Dès que nous débordons notre cadre personnel et privé de la chambre intérieure qu’est notre cœur dans lequel nous sommes face à face avec Dieu, dès que nous débordons de ce cadre pour nous retrouver dans la vie sociale, dès que nous ouvrons la porte de notre maison pour aller faire nos courses, pour travailler, pour éduquer, etc.… nous nous trouvons dans le monde (le monde au sens employé par Saint Jean) le monde de l’homme blessé par le péché. Nous nous trouvons dans ce monde pour lequel le service de Dieu n’est pas une évidence.

MYSTÈRE DE LA PIÉTÉ ET MYSTÈRE DU PÉCHÉ, DE LA GRÂCE ET DE LA MORT…

La réponse de Jésus tombe alors, cinglante : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »

Il ne donne pas de réponse précise, mais Il donne la clé du problème. César représente ce monde au sens johannique du mot c’estàdire le monde dans sa structure de péché, le monde blessé par la faute originelle ; Dieu représente le monde de la grâce, le monde du divin, le monde de l’éternité, le monde de la perfection, le monde du bien, en un mot le monde de la Résurrection de Jésus.

Donc lorsque le Christ nous dit : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » que dévoile-t-Il ? Il dévoile que la co-pénétration de l’Église et de l’État, la coexistence du religieux et du politique, du spirituel et de l’humain, relève du mystère. Comme il y a, en chacun de nous, dans notre âme, une présence de mystère parce qu’il y a, dit Saint Paul, le mystère de la piété et le mystère du péché, le mystère de la grâce et le mystère de la mort. Et cela depuis Adam !

C’est la raison pour laquelle on ne peut pas expliquer, au sens scientifique du mot, cette coexistence du politique et du religieux. C’est comme si nous essayions d’ouvrir notre âme et de solutionner le problème de cette angoisse profonde qui a frappé Saint Paul : « Je veux faire le bien et je fais le mal…, qui me sauvera de ce combat ? Le Seigneur Jésus-Christ ! »

Aussi, retenons bien que cette coexistence de l’Église et de l’État, du politique et du religieux relève -comme tout le reste dans l’univers-, depuis Adam, du mystère de la Rédemption. D’où pas de solution humaine possible. N’espérons pas un âge d’or ! Il n’y a pas de solution, il y a un mystère que nous devons pénétrer dans la foi.

TOUTES CHOSES, ISSUES DE DIEU, SERONT RÉCAPITULÉES DANS LE CHRIST.

Pour pénétrer ce mystère dans la foi, nous avons besoin de deux clés.

Celle d’abord qui nous livre que le monde et l’Église, la politique et le religieux ne sont pas en contradiction. De même que la foi et la science ne sont pas en contradiction.

Pourquoi ? Parce qu’elles sont toutes les deux, la science et la foi, issues de Dieu, cadeau de Dieu à l’homme, la science par l’intelligence et la foi par la grâce de Jésus-Christ, pour vivre notre filiation adoptive.

Il en est ainsi du monde et de l’Église. Ils sont tous les deux issus de Dieu par le Verbe.On revient à Saint Paul, dans l’hymne aux Colossiens : « Il est le premier-né de toutes les créatures... (ceci regarde le monde), Premier-né d’entre les morts… » (ceci regarde l’Église).

De plus, le monde et l’Église sont orientés tous les deux vers Dieu par Jésus-Christ.Saint Paul nous rappelle que toutes choses seront récapitulées dans le Christ qui présentera le monde à son Père. C’est dire que le Christ est à la fois l’alpha et l’oméga, le principe et la fin, pour reprendre les termes de l’Apocalypse ; en même temps qu’il est aussi la Voie du monde et de l’Église !

Donc tout est en Jésus-Christ ! Ainsi, au niveau universel et abstrait, il ne peut pas y avoir de contradiction entre l’Église et le monde.

« L’ÉGLISE RÉVÈLE L’HOMME À L’HOMME. »

Deuxième principe : l’Église, puisqu’elle est sacrement de Salut, apporte au monde son cœur vivifié par le souffle de l’Esprit. Elle apporte la Lumière et la Sagesse de Dieu. Comme disait le Concile Vatican II : « Elle révèle l’homme à l’homme. »

Mais l’Église reçoit aussi du monde et le Concile a insisté sur cette réciprocité. Parce que l’Église est faite d’hommes et qu’elle est chez les hommes. C’est la raison pour laquelle, à chaque fois que l’homme réfléchit et progresse sur son mystère, sur le mystère de l’humanité (que ce soit en paléontologie, en sociologie ou en philosophie…), chaque fois que l’homme découvre un petit peu plus la richesse de sa dignité, l’Église qui est faite d’hommes et qui est chez les hommes et pour les hommes en bénéficie, c’est évident. Elle entre plus à fond dans son propre mystère.

Je ne prendrai qu’un exemple celui du lien, analogique certes et lointain, entre le développement politique de nos sociétés civilisées et l’évolution de la pensée de l’Église sur son gouvernement. L‘Église est une structure monarchique, c’est certain : « Pierre tu es Pierre etsur cette pierre je bâtirai mon Église. » Il n’empêche que lorsque nous regardons l’histoire de France et l’histoire de l’Église, nous voyons qu’il y a un parallèle très net entre la conception politique de la monarchie (dite à tort ou à raison de droit divin), l’apparition de la monarchie constitutionnelle et parlementaire, le parlementarisme démocratique et, d’un autre côté, dans l’Église, la prise de conscience plus profonde, de la collégialité épiscopale, d’un presbyteriumsacerdotal, d’une coopération nécessaire avec le monde du peuple de Dieu dont vous êtes, même si le système monarchique reste le fondement du gouvernement ecclésial.

Ainsi est-il vrai de dire que le monde aide l’Église à entrer dans son propre mystère et en vivre mieux. Cela n’a rien d’humiliant pour l’Église !

L’INTRUSION DE DIEU DANS L’HISTOIRE PAR L’HISTOIRE DU SALUT

Il n’y a rien d’humiliant à comprendre et admirer justement que l’Église et le mondefont, si l’on peut dire, tout un sans pouvoir être séparés.

La meilleure preuve réside en l’Incarnation ! Le fait incarnationnel que Dieu se fasse homme pour nous sauver, qu’Il soit né dans un monde et un pays bien précis, (marqué par l’empire romain) pays délimité par une langue, par une histoire et une culture montre bien que Dieu est venu pour sauver l’homme. Tous les hommes bien entendu, mais aussi l’homme dans son entier, donc l’homme comme animal politique -pour reprendre Aristote-, l’homme dans son histoire. Et le terme d’Histoire du Salut n’exprime rien d’autre que cette intrusion de Dieu dans l’Histoire pour, non pas renverser l’Histoire mais pour l’éclairer, la transformer en lui donnant sa dimension d’éternité.

Donc avec cette phrase du Christ, nous entrons dans le mystère, nous avançons doucement pour pénétrer le mystère. Parce que, qui dit mystère dit insondable, mais dit aussi recherche de vérité : ne cherchons-nous pas à connaître le mystère de l’Eucharistie, le mystère de la Trinité, le mystère de la Vierge Marie, le mystère de l’Église ? Là il nous faut chercher à pénétrer le mystère du rapport de l’Église et de l’État, aidés de ces deux principes de la non-contradiction et de l’apport réciproque.

POUR UNE COOPÉRATION ENTRE L’ÉGLISE ET LES ÉTATS

Autrement dit, il n’y a pas de soumission de l’un à l’autre. Il est dangereux de rêver à un état chrétien ; l’Église elle-même, au plus fort de la tourmente révolutionnaire n’a pas cédé au chant des sirènes : ni un retour protecteur à l’Ancien Régime, ni une dépendance visàvis des nouveaux maîtres de la Nation. Au risque de choquer même, disons que ce fut l’Église la grande victorieuse de la Révolution. Parce que le gallicanisme a cherché à passer en force autant sous Louis XIV que sous les Jacobins avec la Constitution civile du clergé. Voilà un sommet de césaro-papisme que les Comités voulaient imposer à l’Église. Ils ne cherchaient pas tant à démolir la foi (ils n’étaient pas fous à ce point-là, d’ailleurs Robespierre était un homme religieux). Ils cherchaient à soumettre l’Église comme Henri II d’Angleterre.

Et la grande victoire de la Révolution ce n’est pas la Terreur, mais bien la victoire de la liberté de l’Église et de son indépendance. L’Église a eu le courage de dire non, refus qu’elle paya du sang de ses martyrs. Elle n’a pas gagné en pouvoir, elle a gagné en liberté, elle a gagné en indépendance. C’est cette indépendance qu’il nous faut savoir garder.

D’où ce mot employé par S. Jean-Paul II lors de son voyage à Reims, mot extrêmement précis et qui demande à être retenu, appuyé par la réflexion que nous venons de faire. Le Saint Père parlait de « coopération entre l’Église et les États ».

Avec Jean-Paul II, qui ne parlait pas de ralliement comme le faisait Léon XIII, mais de coopération, on a fait un pas immense pour décrire les rapports entre le politique et le religieux !

L’ÉTAT, GARANT DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE POUR TROUVER LA VOIE, LA VÉRITÉ ET LA VIE

À savoir que l’État se doit d’aider chaque personne à atteindre sa finalité qui est spirituelle, puisque toute personne est libre, (libre au sens philosophique du mot). Cela équivaut à dire que chaque personne s’achève dans un au-delà qu’elle découvre comme elle peut, mais en tous les cas un au-delà qui n’est pas réductible au matérialisme de l’histoire : je suis spirituel aussi mon âme est-elle immortelle, donc il y a quelque chose après, quel que soit le nom que chacun désire lui donner. Et l’État est tenu, comme garant du bien commun, d’instaurer toutes les conditions pour que chacun puisse atteindre sa fin. D’où la liberté de conscience, d’où la liberté religieuse.

Et réciproquement l’Église dans cette coopération de chaque instant est tenue à faire découvrir à tous les hommes la Vérité, la Voie et la Vie, dans la vie du monde qui est la leur, par les chemins du monde qui sont les leurs (le journal, l’informatique, les écritures, que sais-je…) et à travers les vérités qui sont les leurs, (car il ne s’agit pas de rejeter la science, la génétique, la biologie, la bioéthique etc…).

C’est la grâce que nous nous souhaitons les uns pour les autres et pour notre Saint Père et le Synode, en un mot : pour notre Église.

Mgr Jean-Marie Le Gall – Communauté Saint Martin

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Biographie

Jean-François Guérin

Jean-François Guérin naquit à Loches au cœur de la Touraine le 25 juillet 1929 d’Albert Guérin et de Camille Linard, charcutiers dans cette ville ; il fut baptisé le 9 mars 1930 dans la collégiale Saint-Ours sous le prénom de Jean. Ses deux parents sont originaires d’Artannes-sur-Indre où il suivit sa première scolarité, dans une famille qui n’était pas particulièrement marquée par la foi.

Installé chez sa mère à Paris, il s’ouvrit de sa vocation à un prêtre de Versailles. C’est pourquoi, contre l’avis de sa famille, il entra au séminaire de Versailles, en 1949, à vingt ans. Les premières années de sa formation furant vraiment fondatrices pour lui, marquées par la forte spiritualité sacerdotale enseignée par les formateurs sulpiciens. Ces années furent coupées par son temps de service militaire en Tunisie et marquées par le décès de son père. Premier tournant dans son itinéraire : il décida de quitter Versailles pour revenir à Tours, puis il intégra le Séminaire français de Rome et, le 29 juin 1955, il fut ordonné prêtre en la cathédrale Saint-Gatien par Mgr Gaillard.

D’abord vicaire à la cathédrale de Tours, il fut nommé aumônier des lycées Descartes, Balzac et Grandmont à Tours où sa santé souffre un peu de l’intensité de son engagement auprès des jeunes. Souvent il les emmena à Fontgombault, une abbaye bénédictine qui eut une importance centrale dans sa vie et son sacerdoce : il en devint oblat en 1961. Quittant Tours, il fut envoyé à Paris pour des études de droit canonique, qu’il commença en 1965.  Pendant ces études, il était aussi confesseur à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, où il fut inspiré par les intuitions ecclésiales et missionnaires de Monseigneur Charles, recteur de la Basilique, avec lequel se créa une amitié. Les études terminées, il devint délégué général de l’Œuvre d’Orient en 1968 et garda cette charge, qui consistait à recueillir des fonds pour aider les écoles, dispensaires et œuvres caritatives dans les paroisses de toute la France, jusqu’en 1975.

À Paris, son ministère se déployait entre l’œuvre d’Orient, la mission de chapelain au Sacré Cœur et un ministère qui se dessina peu à peu auprès d’étudiants, hommes et femmes, qui le rejoignirent bientôt pour une heure d’adoration silencieuse mensuelle, à Montmartre. De ce silence, naquit l’idée d’une messe hebdomadaire en 1968. Elle est célébrée à la chapelle du Bon Secours, rue Notre-Dame-des-Champs, chapelle toute proche des bureaux de l’Œuvre d’Orient. L’abbé Guérin entendait donner à ces jeunes gens une solide formation centrée sur la vie intérieure, la vie sacramentelle, sur le discernement des vocations, mariage, sacerdoce, vie religieuse. Son action apostolique auprès de ce groupe comprendra aussi des camps – un mélange entre retraite et vacances, ce qui donna naissance aux futurs « Routes Saint-Martin ». Mais dans le temps de la réforme liturgique, il leur transmit aussi sa docilité envers les décisions du Concile et du Pape, face à certains qui ne veulent rien entendre sur le nouveau missel promulgué par le Pape Paul VI.

Proche des moines bénédictins de Fontgombault et des Sœurs Servantes des Pauvres, l’abbé Guérin accompagna des jeunes vers des vocations religieuses, contemplatives et apostoliques. Mais, plusieurs jeunes gens lui partagèrent leur désir de devenir prêtres diocésains. En février 1976, le cardinal Siri, archevêque de Gênes et Dom Jean Roy, Père Abbé de Fontgombault, se rencontrèrent à Rome où ce dernier demanda au cardinal s’il est possible d’accueillir des amis français à Gênes. L’accord fut immédiat : les études au séminaire seraient gratuites et un couvent capucin situé à dix-sept kilomètres du centre-ville serait mis à leur disposition. C’est alors que le 1er novembre 1976, commença la Communauté Saint-Martin par un cours intensif en italien ; suivirent les travaux à entreprendre au couvent de Voltri qui est en très mauvais état. Les années italiennes furent celles de la fondation, avec l’appui constant du cardinal Giuseppe Siri, qui, à sa démission, nomma l’abbé Guérin chanoine d’honneur de sa cathédrale.

L’année 1993 fut celui du retour en France, pour les membres de la Communauté. Aidé par les premiers membres, l’abbé Guérin guida cette installation à Candé-sur-Beuvron, dans le diocèse de Blois. Ce furent des années plus difficiles, marquées par différents problèmes de santé. L’abbé Guérin fut de plus en plus secondé. En février 2004, il présenta sa démission. Demeuré à Candé, il fut rappelé à Dieu le 21 mai 2005. Après ses obsèques à la cathédrale Saint-Louis de Blois, il fut inhumé au cimetière d’Artannes-sur-Indre, son village natal.

Le 18 juillet 2024, un communiqué faisant état des conclusions du rapport de la visite pastorale a révélé des faits reprochés par plusieurs anciens membres de la communauté à l’abbé Guérin. Nous entendons avec douleur la souffrance que certains ont pu exprimer auprès des visiteurs et allons effectuer courageusement ce travail de relecture qui permettra de faire évoluer cette page. Afin de recueillir la parole des personnes qui souhaiteraient se manifester, vous pouvez contacter, au nom de Mgr Matthieu Dupont qui a été nommé assistant apostolique de la communauté, la Cellule d’écoute des diocèses des Pays-de-Loire à l’adresse suivante : paroledevictimespaysdeloire@gmail.com

Biographie

Don Paul Préaux

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Don Paul Préaux, né le 6 octobre 1964 à Laval (Mayenne), rentre au séminaire de la Communauté Saint-Martin alors installée à Voltri (diocèse de Gênes, Italie) en 1982. Il est ordonné diacre en avril 1988 à Saint Raphaël (Var) par le cardinal Siri et obtient son baccalauréat de philosophie et de théologie. L’année suivante, le 4 juillet, il est ordonné prêtre à Gênes par le cardinal Canestri.

En 1990, don Paul obtient une licence canonique de théologie dogmatique à Fribourg (Suisse) et devient responsable de la maison de formation de Voltri. Il est envoyé à Rome en 1992 pour l’année d’habilitation au doctorat et commence ensuite sa thèse.

Nommé, en 1995, chapelain au sanctuaire de Notre-Dame de Montligeon (Orne), il devient recteur de ce sanctuaire consacré à la prière pour les défunts, charge qu’il occupera jusqu’à son élection comme Modérateur général de la Communauté Saint-Martin. Pendant cette période, don Paul est également membre du conseil presbytéral du diocèse de Sées pendant six ans et secrétaire du même conseil pendant 3 ans.

Docteur en théologie en 2005, don Paul est l’auteur d’une thèse sur Les fondements ecclésiologiques du Presbytérium selon le concile Vatican II et la théologie post-conciliaire. Enseignant la théologie dogmatique à l’École de théologie de la Communauté, depuis 1993, il intervient également dans différents lieux d’enseignement, comme le Centre d’études théologiques de Caen. Il est également sollicité pour prêcher des retraites et intervenir dans différents diocèses et communautés, notamment des thèmes de la spiritualité sacerdotale et de l’espérance chrétienne, sur lesquels il a publié des ouvrages.  Renvoi à la page de ses publications.

Le 26 avril 2010, don Paul Préaux est élu Modérateur général de la Communauté Saint-Martin et réélu en 2016 à cette charge pour un nouveau mandat de six ans. Il est à nouveau élu à cette charge en 2022 pour un dernier mandat.