Une question nous est souvent posée : comment êtes-vous formés à la prédication dans la communauté Saint-Martin ?
A cette question récurrente, il convient de donner une réponse précise. La formation à la prédication est multilatérale. Elle est à la fois le fruit de la vie intérieure, de l’écoute, de cours théoriques, et de mise en situation pratique. Tout cela façonne la forme et le fond de la prédication.
Sur le fond, l’apprentissage de la prédication se nourrit essentiellement de la vie intérieure du diacre ou du prêtre, de ses lectures, de sa méditation de la parole de Dieu, de sa vie d’oraison, des rencontres de son ministère, de la vie sacramentelle qu’il donne ou qu’il reçoit, de son écoute quotidienne des personnes qu’il rencontre… C’est un constat très simple qui domine : plus le prédicateur est relié à Dieu, moins il risque de se prêcher lui-même. Le premier apprentissage de la prédication consiste donc à densifier sa vie intérieure.
Mais une belle vie intérieure ne suffit pas à se former à la prédication. A cela s’ajoute les cours de philosophie et de théologie qui aident le prédicateur à densifier son intelligence de la foi, donc sa réflexion et sa parole.
Pendant les huit années de formation le séminariste se nourrit de ce qu’il voit et entend. Chaque jour il reçoit une homélie différente, prononcée par un des prêtres formateurs, dans un style différent. Aussi, le jeune prédicateur est-il facilement tenté d’imiter tel ou tel prêtre dont le style le marque plus particulièrement. Tout le défi consiste à dépasser cette imitation fondée sur des aspects très extérieurs, pour entrer dans une logique de don de soi et de docilité à l’Esprit-Saint.
Sur la forme, l’apprentissage est sans doute un peu différent. Il y a un certain art oratoire à acquérir. Mais celui qui absolutiserait cela risquerait aussi de tomber dans l’excès de transformer la prédication en un pur exercice de style, oubliant la grâce d’état du ministre, et le travail de l’Esprit-Saint dans les cœurs… Combien de prêtres expérimentés dans la prédication peuvent témoigner que les retours de paroissiens touchés par la grâce lors de sermon sont bien souvent sur des points insignifiants. (Un prêtre racontait récemment qu’un paroissien est venu le voir pour lui dire : « ce qui m’a le plus touché touché dans votre sermon c’est quand vous avez dit : deuxièmement… j’ai compris que dans ma vie je devais tourner une page ! »)
L’art oratoire n’est pas inné. Pour acquérir certaines bases plusieurs outils sont donnés dans la formation au séminaire. D’abord, la pratique du théâtre est un élément fondamental. Elle apprend à s’exposer en public, à susciter des émotions, à tenir un discours clair et audible, à jouer sur divers registres émotionnels… c’est un exercice très complet et un immense révélateur de talents.
Au séminaire un exercice exigeant est proposé pendant le carême : en lieu et place de la lecture à table, chaque jour les séminaristes de théologie prêchent sur l’évangile du jour pendant le repas. Sitôt terminé, plusieurs frères séminaristes et prêtres formateurs ou professeurs sont interrogés pour commenter sur le fond et sur la forme le sermon qui vient d’être donné.
En prêchant sur le tas dans diverses circonstances : obsèques, mariages, baptêmes… le jeune prédicateur diacre ou prêtre peut faire ses armes. Il a devant lui des publics très divers, dont l’attention est variable : bien souvent profonde aux obsèques et superficielle aux mariages. C’est ce qui rend cette mission difficile mais attrayante. Chaque célébration est l’occasion d’attirer les âmes à Dieu. Le prédicateur se donne, s’adapte, se bat… Dieu fait le reste.
En communauté locale, le jeune prédicateur peut recevoir les critiques positives et négatives faites par ses confrères qui l’écoutent prêcher. Encore un cadeau magnifique qui, s’il est bien reçu, accélère grandement la formation et l’apprentissage d’une prédication plus ajustée. Bénéficier de l’expérience des autres c’est continuer à se former chaque jour. Cela est parfois dur et nécessite une grande humilité, mais cela contribue aux biens des fidèles et à la charité fraternelle.
Finalement, la vie théologale (formation spirituelle), une intelligence nourrie (formation intellectuelle et théologique), l’adaptation pastorale (formation pastorale), l’art oratoire (formation humaine) sont les meilleurs ingrédients d’une bonne formation à la prédication. Ajoutez à cela la grâce d’Etat, l’expérience des autres et la docilité à l’Esprit-Saint…et Dieu terminera le boulot en récoltant même là où ses prédicateurs n’auront rien semé !