Un regard Historique sur la Messe : III- Regard contemporain sur la messe

Quel regard pouvons-nous porter aujourd’hui sur l’histoire de notre Messe ? Un triple regard me semble-t-il : le regard de la foi, le regard de l’histoire, et le regard… de la bienveillance. Expliquons-nous.

Le regard de la foi permet de distinguer l’essentiel de l’accidentel, l’absolu du relatif. Nous avons vu, au début, en quoi consiste essentiellement, absolument, la Messe : en l’offrande véritable, par Jésus, de son Corps et de son Sang, pour le salut du monde, et cela par le moyen de deux paroles et de quatre gestes essentiels typiques du sacrifice : la présentation de l’offrande, sa bénédiction, sa fraction, et son partage en communion.

Cela, à toute époque et en tout lieu, l’Église le réalise et, ce faisant, elle accomplit efficacement le commandement de Jésus : « Faites cela en mémoire de moi. »

Le regard de la foi permet aussi d’approfondir considérablement le mystère de la Messe qui, s’il est tout entier révélé au soir du Jeudi Saint, est un trésor dont l’Église n’aura jamais fini de contempler les richesses. Au cours de son histoire, au fur et à mesure qu’elle découvrait ce trésor, l’Église l’a défini dans une doctrine toujours plus précise, de sorte que sa foi dans l’Eucharistie, inchangée dans substance, s’est considérablement approfondie dans son expression.

Le regard de la foi nous permet donc de répondre simplement à notre question : quand l’Église célèbre aujourd’hui, avec ses livres actuels, le mystère de la Messe, elle célèbre à l’identique la Messe de Jésus-Christ, et elle la célèbre avec la compréhension qu’elle en a acquise au long des deux mille ans d’une histoire qui n’est pas encore achevée.

Le regard de l’histoire nous plonge, quant à lui, dans les réalités contingentes, dans les paramètres variables de la liturgie terrestre. Dans la longue évolution des rites que nous avons décrite, nous avons voulu voir la continuité et un enrichissement de génération en génération. Nous avons apprécié notre histoire liturgique comme une belle variation, très riche, jamais dissonante, sur le thème inépuisable du Jeudi Saint.

Pourtant, dans les cinquante dernières années, beaucoup, au nom de l’histoire, ont voulu entendre deux morceaux, et voir un double régime dans l’histoire de la Messe : tout d’abord une longue période d’approfondissement liturgique, durant laquelle l’Église aurait célébré avec simplicité et communautairement, suivant des formes épurées, le mystère pascal qu’elle avait reçu du Seigneur. Il s’agit grosso modo du premier millénaire, durant lequel la liturgie forme le tout de la vie de l’Église, de sa prière, de son expérience spirituelle, de sa prédication, de sa communion au Christ.

Serait venue ensuite une période marquée par un certain « embourgeoisement » du culte, toujours plus chargé et codifié, par l’affaiblissement de l’esprit liturgique au profit de la piété individuelle des fidèles et des prêtres, et aussi par une posture apologétique face aux remises en causes doctrinales dont la plus importante fut celle la Réforme. Cette période du second millénaire aurait vu la liturgie perdre de sa jeunesse, s’obscurcir en se complexifiant toujours plus et en se coupant de ses sources originelles et, finalement, se raidir dans une posture utilitaire : la défense de la doctrine tridentine de la Présence réelle et du sacerdoce.

Selon eux, le Missel réformé après Vatican II devait permettre de retrouver l’état d’esprit liturgique du premier millénaire, la prière d’une Église encore juvénile, enjambant mille ans de surcharges et de controverses qu’ils ne tenaient plus à assumer.

Pour d’autres, au contraire, seule importait la maturité liturgique et théologique acquise au long des siècles de chrétienté, la fidélité à la source étant présumée par tradition de la foi.

Pour les uns et pour les autres, le problème de la Messe, c’est le second millénaire : pour les uns, il est de trop et il faut l’enjamber, pour les autres, il est indépassable, et rien ne le vaut, ni avant, ni après !

Pour les uns, le Missel de Paul VI est un retour aux sources pures qui coulaient dans l’Église avant le second millénaire ; pour les autres, il dépouille l’Église des richesses d’art et de doctrine dont l’avait ornée ce millénaire de chrétienté !

La vérité n’est pas là ! elle est peut-être dans le troisième regard, le regard de bienveillance. Celui-ci doit s’efforcer toujours de regarder l’histoire à la lumière de la foi, et les formes variables de la liturgie à la lumière de l’expérience spirituelle de l’Église.

Il voit à chaque génération la foi qui inspire sa prière et son culte, sans opposer une génération à une autre, un usage à un autre, un millénaire à un autre, un missel à un autre. Les premiers chrétiens semblaient communier dans la main ; l’usage médiéval imposa de communier sur la langue : il n’y a pas de contradiction, mais deux manières de faire, et au final, pour ceux qui vivent de la foi, une plus grande richesse de compréhension du mystère. Dans l’antiquité, le prêtre présentait l’offrande en silence ; le Moyen-Âge lui fit dire des prières de dévotion pour concentrer son attention à l’offertoire : là non plus, pas de contradiction, mais deux manières de faire et, au final, une plus grande expérience du mystère.

C’est bien un tel regard de bienveillance que le Saint-Père nous invite à porter sur notre Messe, et c’est, à notre avis, le sens profond de la définition qu’il a faite des deux formes existantes du rite romain. Trop conscient de la division parmi les chrétiens, les prêtres, les théologiens ou les liturgistes au sujet de leur histoire, trop conscient de la dialectique fatale qu’ils établissent entre les deux millénaires de l’histoire de l’Église, il a voulu que la critique historique cède le pas à la bienveillance.

Car si l’on peut dire de l’ancien Missel (de saint Pie V) qu’il exprime l’esprit liturgique de la chrétienté, et du nouveau Missel (de Paul VI) qu’il a désaltéré l’Église aux sources vives du premier millénaire, celle-ci n’aura pas trop de ses deux missels pour nous faire connaître et aimer la richesse de sa Messe, et embrasser les deux millénaires si contrastés de son histoire dans l’unité et la continuité tranquille de la foi.

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Biographie

Jean-François Guérin

Jean-François Guérin naquit à Loches au cœur de la Touraine le 25 juillet 1929 d’Albert Guérin et de Camille Linard, charcutiers dans cette ville ; il fut baptisé le 9 mars 1930 dans la collégiale Saint-Ours sous le prénom de Jean. Ses deux parents sont originaires d’Artannes-sur-Indre où il suivit sa première scolarité, dans une famille qui n’était pas particulièrement marquée par la foi.

Installé chez sa mère à Paris, il s’ouvrit de sa vocation à un prêtre de Versailles. C’est pourquoi, contre l’avis de sa famille, il entra au séminaire de Versailles, en 1949, à vingt ans. Les premières années de sa formation furant vraiment fondatrices pour lui, marquées par la forte spiritualité sacerdotale enseignée par les formateurs sulpiciens. Ces années furent coupées par son temps de service militaire en Tunisie et marquées par le décès de son père. Premier tournant dans son itinéraire : il décida de quitter Versailles pour revenir à Tours, puis il intégra le Séminaire français de Rome et, le 29 juin 1955, il fut ordonné prêtre en la cathédrale Saint-Gatien par Mgr Gaillard.

D’abord vicaire à la cathédrale de Tours, il fut nommé aumônier des lycées Descartes, Balzac et Grandmont à Tours où sa santé souffre un peu de l’intensité de son engagement auprès des jeunes. Souvent il les emmena à Fontgombault, une abbaye bénédictine qui eut une importance centrale dans sa vie et son sacerdoce : il en devint oblat en 1961. Quittant Tours, il fut envoyé à Paris pour des études de droit canonique, qu’il commença en 1965.  Pendant ces études, il était aussi confesseur à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, où il fut inspiré par les intuitions ecclésiales et missionnaires de Monseigneur Charles, recteur de la Basilique, avec lequel se créa une amitié. Les études terminées, il devint délégué général de l’Œuvre d’Orient en 1968 et garda cette charge, qui consistait à recueillir des fonds pour aider les écoles, dispensaires et œuvres caritatives dans les paroisses de toute la France, jusqu’en 1975.

À Paris, son ministère se déployait entre l’œuvre d’Orient, la mission de chapelain au Sacré Cœur et un ministère qui se dessina peu à peu auprès d’étudiants, hommes et femmes, qui le rejoignirent bientôt pour une heure d’adoration silencieuse mensuelle, à Montmartre. De ce silence, naquit l’idée d’une messe hebdomadaire en 1968. Elle est célébrée à la chapelle du Bon Secours, rue Notre-Dame-des-Champs, chapelle toute proche des bureaux de l’Œuvre d’Orient. L’abbé Guérin entendait donner à ces jeunes gens une solide formation centrée sur la vie intérieure, la vie sacramentelle, sur le discernement des vocations, mariage, sacerdoce, vie religieuse. Son action apostolique auprès de ce groupe comprendra aussi des camps – un mélange entre retraite et vacances, ce qui donna naissance aux futurs « Routes Saint-Martin ». Mais dans le temps de la réforme liturgique, il leur transmit aussi sa docilité envers les décisions du Concile et du Pape, face à certains qui ne veulent rien entendre sur le nouveau missel promulgué par le Pape Paul VI.

Proche des moines bénédictins de Fontgombault et des Sœurs Servantes des Pauvres, l’abbé Guérin accompagna des jeunes vers des vocations religieuses, contemplatives et apostoliques. Mais, plusieurs jeunes gens lui partagèrent leur désir de devenir prêtres diocésains. En février 1976, le cardinal Siri, archevêque de Gênes et Dom Jean Roy, Père Abbé de Fontgombault, se rencontrèrent à Rome où ce dernier demanda au cardinal s’il est possible d’accueillir des amis français à Gênes. L’accord fut immédiat : les études au séminaire seraient gratuites et un couvent capucin situé à dix-sept kilomètres du centre-ville serait mis à leur disposition. C’est alors que le 1er novembre 1976, commença la Communauté Saint-Martin par un cours intensif en italien ; suivirent les travaux à entreprendre au couvent de Voltri qui est en très mauvais état. Les années italiennes furent celles de la fondation, avec l’appui constant du cardinal Giuseppe Siri, qui, à sa démission, nomma l’abbé Guérin chanoine d’honneur de sa cathédrale.

L’année 1993 fut celui du retour en France, pour les membres de la Communauté. Aidé par les premiers membres, l’abbé Guérin guida cette installation à Candé-sur-Beuvron, dans le diocèse de Blois. Ce furent des années plus difficiles, marquées par différents problèmes de santé. L’abbé Guérin fut de plus en plus secondé. En février 2004, il présenta sa démission. Demeuré à Candé, il fut rappelé à Dieu le 21 mai 2005. Après ses obsèques à la cathédrale Saint-Louis de Blois, il fut inhumé au cimetière d’Artannes-sur-Indre, son village natal.

Le 18 juillet 2024, un communiqué faisant état des conclusions du rapport de la visite pastorale a révélé des faits reprochés par plusieurs anciens membres de la communauté à l’abbé Guérin. Nous entendons avec douleur la souffrance que certains ont pu exprimer auprès des visiteurs et allons effectuer courageusement ce travail de relecture qui permettra de faire évoluer cette page. Afin de recueillir la parole des personnes qui souhaiteraient se manifester, vous pouvez contacter, au nom de Mgr Matthieu Dupont qui a été nommé assistant apostolique de la communauté, la Cellule d’écoute des diocèses des Pays-de-Loire à l’adresse suivante : paroledevictimespaysdeloire@gmail.com

Biographie

Don Paul Préaux

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Don Paul Préaux, né le 6 octobre 1964 à Laval (Mayenne), rentre au séminaire de la Communauté Saint-Martin alors installée à Voltri (diocèse de Gênes, Italie) en 1982. Il est ordonné diacre en avril 1988 à Saint Raphaël (Var) par le cardinal Siri et obtient son baccalauréat de philosophie et de théologie. L’année suivante, le 4 juillet, il est ordonné prêtre à Gênes par le cardinal Canestri.

En 1990, don Paul obtient une licence canonique de théologie dogmatique à Fribourg (Suisse) et devient responsable de la maison de formation de Voltri. Il est envoyé à Rome en 1992 pour l’année d’habilitation au doctorat et commence ensuite sa thèse.

Nommé, en 1995, chapelain au sanctuaire de Notre-Dame de Montligeon (Orne), il devient recteur de ce sanctuaire consacré à la prière pour les défunts, charge qu’il occupera jusqu’à son élection comme Modérateur général de la Communauté Saint-Martin. Pendant cette période, don Paul est également membre du conseil presbytéral du diocèse de Sées pendant six ans et secrétaire du même conseil pendant 3 ans.

Docteur en théologie en 2005, don Paul est l’auteur d’une thèse sur Les fondements ecclésiologiques du Presbytérium selon le concile Vatican II et la théologie post-conciliaire. Enseignant la théologie dogmatique à l’École de théologie de la Communauté, depuis 1993, il intervient également dans différents lieux d’enseignement, comme le Centre d’études théologiques de Caen. Il est également sollicité pour prêcher des retraites et intervenir dans différents diocèses et communautés, notamment des thèmes de la spiritualité sacerdotale et de l’espérance chrétienne, sur lesquels il a publié des ouvrages.  Renvoi à la page de ses publications.

Le 26 avril 2010, don Paul Préaux est élu Modérateur général de la Communauté Saint-Martin et réélu en 2016 à cette charge pour un nouveau mandat de six ans. Il est à nouveau élu à cette charge en 2022 pour un dernier mandat.