Les grandes Ô

Le 17 décembre, dans les monastères, est un jour important qui ouvre l’ultime semaine de préparation à Noël. D’aucuns, dans le monde entier, s’affairent aux derniers «préparatifs», ce qui n’est pas sans charme (décorations, courses, etc.). Dans les couvents aussi on a dressé la crèche ou on va le faire, on pense à décorer les lieux de réunion de la communauté et maints «officiers» chargés d’emplois importants sont aux cent coups: le sacristain, le cuisinier, l’organiste, les chantres…

Cette effervescence propre à Noël, qui ne l’aime pas? Qui ne redevient enfant naïf, émerveillé du moindre cadeau, sensible à cette chaleur humaine que partout la grâce de Noël doit favoriser?

Aussi nous semble-t-il intéressant en cette année de nous attacher à la célébration des grandes O. Ce septénaire des célèbres antiennes, avec tout ce qu’il comporte de solennité particulière, est bien, comme le remarquait Mgr Martimort, «porteur de toute l’espérance actuelle de l’Église». «En elles, dit-il, la liturgie de l’Avent atteint sa plénitude» et combien plus notre attente, au seuil de ce nouveau millénaire, peut-elle y trouver sa plus belle expression!

Les Grandes O, qu’est-ce donc? Les Grandes O, ainsi appelées parce qu’elles commencent toutes par l’exclamation «O», suivie d’un titre donné au Messie, sont des antiennes. A proprement parler il est plus correct de les désigner par leur titre complet: «Grandes antiennes O» (dans les manuscrits: Antiphonæ Majores O). Elles ont toutes la même mélodie et sont construites sur le même plan: une invocation au Messie et un appel ardent à sa venue: Veni.

Elles remontent à une haute antiquité puisqu’on les trouve déjà dans le Responsorial attribué au Pape saint Grégoire († 604). Traditionnellement elles sont chantées à partir des Vêpres du 17 décembre jusqu’au 23 comme antiennes solennelles du Magnificat. Elles sont donc au nombre de sept, chiffre symbolique qui coïncide avec cette grande semaine de «Féries Majeures» où la liturgie s’intensifie à l’approche de Noël. Chaque férie a des antiennes propres aux Laudes comme pour une fête.

Dès le VIIe siècle, on en trouve l’usage en Angleterre, et en France au VIIIe siècle. Dom E. Flicoteaux rapporte cette belle histoire qui en montre la popularité: «Il est raconté du moine Alcuin qui contribua pour une si large part à la restauration de la liturgie romaine en notre pays que trois jours avant sa mort (804), dans sa cellule de l’abbaye St-Martin de Tours, il chantait “d’une voix pleine d’allégresse” le Magnificat avec l’antienne O Clavis David» (O Clef de David, 4e Grande O). Cela nous montre bien que, pour Alcuin comme pour d’autres liturgistes éminents du Moyen-Age, les Grandes O sont solidaires du Magnificat, mais il est une autre tradition où ces antiennes sont chantées aux Laudes avec le Cantique du Benedictus.

Quoi qu’il en soit, l’usage qui a prévalu et qui est celui de l’Eglise actuellement, est de les chanter aux Vêpres avec le Cantique solennel du Magnificat. Dom Guéranger nous fait remarquer combien est propice cette heure des Vêpres pour lancer ces appels pressants vers le Messie (des «cris» selon son expression), car, dit-il, c’est sur le soir du monde – vergente mundi vespere – que le Messie est venu.

Il est vrai qu’à cette heure vespérale, presque nocturne en ce mois de décembre, il y a quelque chose de saisissant à entendre leur chant mêlé aux cloches. Instant particulièrement solennel dans une journée «fériale» qui fut simple malgré tout et qui nous emporte soudain vers un ailleurs, un rêve devenu sonore, une intense prière de désir au seuil de la Nativité.

Chacune des antiennes s’adresse au Messie en l’invoquant d’un titre emprunté à l’Écriture :
O Sapientia O Sagesse
O Adonaï O Adonaï
O Radix Jesse O Rameau de Jessé
O Clavis David O Clef de david
O Oriens O Aurore
O Rex gentium O Roi des nations
O Emmanuel O Emmanuel

Dans la succession de ces sept invocations, dont on peut déjà admirer la progression ascendante, puisque l’invocation «O Emmanuel» vient au terme du crescendo, il est une autre chose à remarquer: en remontant de la dernière à la première antienne, les lettres initiales des titres forment un ingénieux acrostiche: Ero cras, Je serai (là) demain.

En certains lieux on porta jusqu’à douze le nombre des Grandes O – pour honorer soit les douze Prophètes qui ont annoncé la venue du Messie, soit les douze Apôtres qui ont prêché cet avènement.

Selon Amalaire, liturgiste du Moyen-Age, les grandes antiennes «montrent quel signe admirable et inscrutable est célébré en ces jours. C’est le signe dont parle Isaïe le prophète: ‘C’est pourquoi je vous donnerai un signe: Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils.’ O est une interjection d’admiration. Par ce «O», le chantre a voulu faire comprendre que les paroles qui suivent ont trait à quelque vision admirable qui relève davantage de la contemplation que d’une proclamation publique.

Pour Dom Guéranger,«elles contiennent toute la moelle de la liturgie de l’Avent.» On peut d’ailleurs y voir comme un résumé des grandes prophéties de Christ Sauveur et aussi une évocation de théophanies dont les Pères pensaient qu’elles étaient déjà des manifestations du Verbe Incarné (cf spécialement la 2e antienne O Adonaï). Dom Pius Parsch a cette heureuse image de les comparer au Rorate cæli de l’humanité. Qu’est-ce à dire? sinon que l’on y trouve ramassée l’attente du monde entier dont les Veni – sept fois répétés – sont la plus belle prière: «Viens, Seigneur Jésus». On ne peut alors s’empêcher de faire le rapprochement avec la célèbre hymne de l’Avent de saint Ambroise, Veni Redemptor gentium, que les luthériens ont transformée en un très beau choral Nun Komm der Heiden Heiland. Viens maintenant, O Christ Sauveur, et ne tarde plus!

Que serait-ce si l’Église entière, dans un élan de ferveur prodigieuse, à l’approche de ce nouveau millénaire disait d’un seul cœur, d’une seule voix, ce Veni ardent et confiant? Aussi, pour préparer la venue du Messie, voici un commentaire des antiennes O de chaque jour, du 17 au 23 décembre pour mettre la prière personnelle et familiale à l’unisson de la prière de l’Église.

Les antiennes, étant toutes construites selon un plan identique, une unique mélodie, sorte de timbre, se retrouve chaque jour. Cela contribue à l’impression forte qu’elles laissent dans la mémoire.
Voici en exemple la première antienne, O Sapientia:

1. L’invocation O Sapientia 
L’intonation par la quarte atteint la corde fa qu’elle ornemente sobrement pour reposer au ré. Pas d’effet spectaculaire mais un bel équilibre et le «o» permet déjà de faire entendre les harmoniques qui vont animer la mélodie (une quarte au Moyen-Age est un intervalle riche, très consonant).

2. La première incise
Une première incise développe le titre donné au Messie sur corde ré à peine ornée et repos passager à la sous-tonique do. Immédiatement la phrase repart développant les allusions scripturaires et s’élançant vers une montée mélodique qui semble le sommet de l’antienne. La mélodie, en deux torculus ascendants atteint le la supérieur de caractère éloquent. Le problème est d’élucider la nature du si qui intervient ici en pure broderie. Dom Saulnier 1 écrit: «Le sommet des antiennes ‘O’ actuellement restitué comme un si bécarre appelle peut-être un bémol.» Il semble que le phénomène sonore qui se produit lorsque la cloche nous entraîne avec ses harmoniques et fait «monter» le chœur, devrait de soi apporter une réponse physique à ce problème.Le si prend la couleur de ce qu’on sent et on est irrésistiblement attiré vers les hauteurs à ce moment-là. 2 De ce la aigu, la mélodie redescend conjointement pour s’incliner au do. On retrouve l’intervalle de quarte, inversé: fa-do (plus visible dans les antiennes O Adonaï- O Radix jesse- O Rex gentium – O Emmanuel). Depuis l’intonation la boucle s’est en quelque sorte refermée, cependant l’essentiel n’est pas dit.

3. Le point culminant : Veni !
Habilement le compositeur ré-utilise la quarte d’intonation avec la même inclinaison au demi-ton: do-fa-mi. Une seule antienne fait exception lançant le Veni dans l’aigu, c’est l’antienne O Oriens (elle est, du fait de son texte plus court, originale par rapport aux autres).
On a remarqué que la demande finale de l’antienne est en rapport avec les titres messianiques énoncés dans la première partie.
Du reste, le caractère général de ces antiennes est d’une noble simplicité.

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Biographie

Jean-François Guérin

Jean-François Guérin naquit à Loches au cœur de la Touraine le 25 juillet 1929 d’Albert Guérin et de Camille Linard, charcutiers dans cette ville ; il fut baptisé le 9 mars 1930 dans la collégiale Saint-Ours sous le prénom de Jean. Ses deux parents sont originaires d’Artannes-sur-Indre où il suivit sa première scolarité, dans une famille qui n’était pas particulièrement marquée par la foi.

Installé chez sa mère à Paris, il s’ouvrit de sa vocation à un prêtre de Versailles. C’est pourquoi, contre l’avis de sa famille, il entra au séminaire de Versailles, en 1949, à vingt ans. Les premières années de sa formation furant vraiment fondatrices pour lui, marquées par la forte spiritualité sacerdotale enseignée par les formateurs sulpiciens. Ces années furent coupées par son temps de service militaire en Tunisie et marquées par le décès de son père. Premier tournant dans son itinéraire : il décida de quitter Versailles pour revenir à Tours, puis il intégra le Séminaire français de Rome et, le 29 juin 1955, il fut ordonné prêtre en la cathédrale Saint-Gatien par Mgr Gaillard.

D’abord vicaire à la cathédrale de Tours, il fut nommé aumônier des lycées Descartes, Balzac et Grandmont à Tours où sa santé souffre un peu de l’intensité de son engagement auprès des jeunes. Souvent il les emmena à Fontgombault, une abbaye bénédictine qui eut une importance centrale dans sa vie et son sacerdoce : il en devint oblat en 1961. Quittant Tours, il fut envoyé à Paris pour des études de droit canonique, qu’il commença en 1965.  Pendant ces études, il était aussi confesseur à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, où il fut inspiré par les intuitions ecclésiales et missionnaires de Monseigneur Charles, recteur de la Basilique, avec lequel se créa une amitié. Les études terminées, il devint délégué général de l’Œuvre d’Orient en 1968 et garda cette charge, qui consistait à recueillir des fonds pour aider les écoles, dispensaires et œuvres caritatives dans les paroisses de toute la France, jusqu’en 1975.

À Paris, son ministère se déployait entre l’œuvre d’Orient, la mission de chapelain au Sacré Cœur et un ministère qui se dessina peu à peu auprès d’étudiants, hommes et femmes, qui le rejoignirent bientôt pour une heure d’adoration silencieuse mensuelle, à Montmartre. De ce silence, naquit l’idée d’une messe hebdomadaire en 1968. Elle est célébrée à la chapelle du Bon Secours, rue Notre-Dame-des-Champs, chapelle toute proche des bureaux de l’Œuvre d’Orient. L’abbé Guérin entendait donner à ces jeunes gens une solide formation centrée sur la vie intérieure, la vie sacramentelle, sur le discernement des vocations, mariage, sacerdoce, vie religieuse. Son action apostolique auprès de ce groupe comprendra aussi des camps – un mélange entre retraite et vacances, ce qui donna naissance aux futurs « Routes Saint-Martin ». Mais dans le temps de la réforme liturgique, il leur transmit aussi sa docilité envers les décisions du Concile et du Pape, face à certains qui ne veulent rien entendre sur le nouveau missel promulgué par le Pape Paul VI.

Proche des moines bénédictins de Fontgombault et des Sœurs Servantes des Pauvres, l’abbé Guérin accompagna des jeunes vers des vocations religieuses, contemplatives et apostoliques. Mais, plusieurs jeunes gens lui partagèrent leur désir de devenir prêtres diocésains. En février 1976, le cardinal Siri, archevêque de Gênes et Dom Jean Roy, Père Abbé de Fontgombault, se rencontrèrent à Rome où ce dernier demanda au cardinal s’il est possible d’accueillir des amis français à Gênes. L’accord fut immédiat : les études au séminaire seraient gratuites et un couvent capucin situé à dix-sept kilomètres du centre-ville serait mis à leur disposition. C’est alors que le 1er novembre 1976, commença la Communauté Saint-Martin par un cours intensif en italien ; suivirent les travaux à entreprendre au couvent de Voltri qui est en très mauvais état. Les années italiennes furent celles de la fondation, avec l’appui constant du cardinal Giuseppe Siri, qui, à sa démission, nomma l’abbé Guérin chanoine d’honneur de sa cathédrale.

L’année 1993 fut celui du retour en France, pour les membres de la Communauté. Aidé par les premiers membres, l’abbé Guérin guida cette installation à Candé-sur-Beuvron, dans le diocèse de Blois. Ce furent des années plus difficiles, marquées par différents problèmes de santé. L’abbé Guérin fut de plus en plus secondé. En février 2004, il présenta sa démission. Demeuré à Candé, il fut rappelé à Dieu le 21 mai 2005. Après ses obsèques à la cathédrale Saint-Louis de Blois, il fut inhumé au cimetière d’Artannes-sur-Indre, son village natal.

Le 18 juillet 2024, un communiqué faisant état des conclusions du rapport de la visite pastorale a révélé des faits reprochés par plusieurs anciens membres de la communauté à l’abbé Guérin. Nous entendons avec douleur la souffrance que certains ont pu exprimer auprès des visiteurs et allons effectuer courageusement ce travail de relecture qui permettra de faire évoluer cette page. Afin de recueillir la parole des personnes qui souhaiteraient se manifester, vous pouvez contacter, au nom de Mgr Matthieu Dupont qui a été nommé assistant apostolique de la communauté, la Cellule d’écoute des diocèses des Pays-de-Loire à l’adresse suivante : paroledevictimespaysdeloire@gmail.com

Biographie

Don Paul Préaux

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Don Paul Préaux, né le 6 octobre 1964 à Laval (Mayenne), rentre au séminaire de la Communauté Saint-Martin alors installée à Voltri (diocèse de Gênes, Italie) en 1982. Il est ordonné diacre en avril 1988 à Saint Raphaël (Var) par le cardinal Siri et obtient son baccalauréat de philosophie et de théologie. L’année suivante, le 4 juillet, il est ordonné prêtre à Gênes par le cardinal Canestri.

En 1990, don Paul obtient une licence canonique de théologie dogmatique à Fribourg (Suisse) et devient responsable de la maison de formation de Voltri. Il est envoyé à Rome en 1992 pour l’année d’habilitation au doctorat et commence ensuite sa thèse.

Nommé, en 1995, chapelain au sanctuaire de Notre-Dame de Montligeon (Orne), il devient recteur de ce sanctuaire consacré à la prière pour les défunts, charge qu’il occupera jusqu’à son élection comme Modérateur général de la Communauté Saint-Martin. Pendant cette période, don Paul est également membre du conseil presbytéral du diocèse de Sées pendant six ans et secrétaire du même conseil pendant 3 ans.

Docteur en théologie en 2005, don Paul est l’auteur d’une thèse sur Les fondements ecclésiologiques du Presbytérium selon le concile Vatican II et la théologie post-conciliaire. Enseignant la théologie dogmatique à l’École de théologie de la Communauté, depuis 1993, il intervient également dans différents lieux d’enseignement, comme le Centre d’études théologiques de Caen. Il est également sollicité pour prêcher des retraites et intervenir dans différents diocèses et communautés, notamment des thèmes de la spiritualité sacerdotale et de l’espérance chrétienne, sur lesquels il a publié des ouvrages.  Renvoi à la page de ses publications.

Le 26 avril 2010, don Paul Préaux est élu Modérateur général de la Communauté Saint-Martin et réélu en 2016 à cette charge pour un nouveau mandat de six ans. Il est à nouveau élu à cette charge en 2022 pour un dernier mandat.