Saint Martin, homme de coeur

Le 24 janvier 2016

Homélie prononcée lors de la Saint Martin 2014

Nous célébrons aujourd’hui l’armistice, et je salue très cordialement à cette occasion tous les anciens combattants, et nous prions pour toutes les victimes de la grande guerre. Mais nous fêtons aussi la fête de saint Martin, patron céleste de notre Cté, nous le fêtons ici à Evron où l’église paroissiale lui était originellement dédiée.

Comment expliquer le « succès » de saint Martin, sa notoriété, son rayonnement ? Qu’il suffise de regarder le nombre impressionnant de villages, d’églises, de personnes portant son nom en Europe et bien au-delà, alors que cet homme de la fin du IVème siècle n’a rien écrit, n’appartenait pas à une classe dirigeantes ni aux cercles influents de son temps. Quel est donc son secret ?

Je crois que l’on peut dire de Martin qu’il était un homme de cœur ! Et cela semble suffire… mais à condition de bien comprendre ce que cette affirmation comporte.

Nous connaissons tous l’événement célèbre de sa vie, ce qu’il fit le jour où, étant encore soldat, il rencontra un pauvre, nu et tremblant de froid. Martin prit son manteau, le coupa en deux et en couvrit le malheureux. C’est exactement ce que dit l’Évangile selon saint Matthieu que nous venons d’entendre: «J’étais nu et vous m’avez habillé » . Lors du Jugement dernier, Jésus adressera ces paroles à ceux qu’il mettra à sa droite, à ceux qui auront fait du bien. Ils demanderont alors: « Seigneur, quand t’avons-nous vu? Tu étais nu et nous t’avons habillé? ». Et le Christ leur répondra: « En vérité, je vous le dis: chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ».

Pour reconnaître le Christ présent dans « chacun de ces petits » qui sont les siens, il faut en avoir perçu la présence dans le recueillement intérieur. Homme de prière, homme d’oraison, Martin laissa le Christ le saisir tout entier. Il pouvait redire comme saint Paul: « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ». Son existence fut caractérisée par une recherche de la simplicité.

Un homme de cœur, un homme qui avait le cœur sur la main, on le voit à plusieurs reprises dans sa relation aux pauvres, un homme au cœur bon, humble, doux, mais attention, cela n’est que la conséquence de son enracinement en Dieu. Oui, son cœur était en Dieu et pour Dieu, plein du Dieu d’amour. A Cande saint Martin, alors qu’il sentait que ses forces l’abandonnaient, il convoqua ses frères pour leur annoncer qu’il allait mourir. Ceux-ci lui dirent : « Nous savons que tu désires rejoindre le Christ, mais tu es sûr de ta récompense et un peu de délai ne la diminuera pas ». Sulpice Sévère, son biographe, écrit alors ceci : « Il fut ému par ces larmes, car il avait toujours été uni au Seigneur par une très tendre miséricorde, et l’on rapporte qu’il pleura ; mais tourné vers le Seigneur, il ne répondit à ceux qui pleuraient que cette parole : ‘Seigneur, si je suis encore nécessaire à ton peuple, je ne refuse pas le travail. Que ta volonté soit faite’ ».

Vous le comprenez : Martin est toujours uni au Seigneur par une très tendre amitié, par une grande charité. Vous le voyez, les hommes, ses frères, lui posent une question, mais il répond au Seigneur ! Voilà le vrai spirituel, l’homme de Dieu. Aujourd’hui, il me semble très important d’insister sur cette vie intérieure de saint Martin. Dans sa lettre aux Ephésiens, Paul écrit : «  Que le Père daigne, selon la richesse de sa grâce nous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en nous l’homme intérieur ; que le Christ habite en nos cœurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l’amour » (3, 16-17). S. Paul nous invite donc à nous abandonner au dynamisme intérieur qui, du Saint Esprit, passe en nous. Cela se passe dans l’être le plus profond de l’homme : le cœur est le lieu privilégié de l’ouverture à Dieu, l’endroit où Dieu se communique à l’homme. Tous les spirituels ont tenté d’atteindre cet être intime. Ste Thérèse parle de « quelque chose de très profond » ou encore du « petit ciel de notre âme ». Vous vous souvenez des paroles de Jésus à Zachée : « Hâte-toi de descendre car il faut que je demeure aujourd’hui en ta maison » (Lc 19, 5). Le Seigneur nous redit sans cesse cette parole. Voulons-nous vraiment y obéir ? Mais quelle est donc cette descente qu’Il exige de nous sinon une entrée plus profonde en notre cœur, notre sanctuaire intérieur. Cet acte n’est pas une fuite de nos responsabilités, une perte de temps, une illusion : c’est un dégagement de tout ce qui n’est pas Dieu. C’est un repos de l’âme et du cœur qui est nécessaire, absolument indispensable pour retrouver cette unique nécessaire dont parle le Seigneur : la paix intérieure.

Il est vrai que lorsque nous prenons la décision de prier davantage, un tas d’objections et de peurs viennent à notre esprit. Il est important alors de les analyser sérieusement, peut-être avec l’aide d’un accompagnateur spirituel.

Je n’ai pas le temps ; en réalité, c’est le contraire : quelle perte de temps pour nous et les autres, lorsque nous ne prenons pas le temps de prier…

Je ne ressens rien, et je n’en ai pas envie : mais la prière n’est pas pour soi d’abord, mais pour Dieu. C’est un acte désintéressé. Celui qui vient à Dieu pour Dieu et non pour soi, y trouve tout.

J’ai l’impression de voler du temps aux autres. Il y a tellement d’urgences dans le monde ? Je suis plutôt un actif ! Avant d’agir, il est vivement recommandé de prendre le temps de la prière, sinon, nous risquons de courir en vain, de flatter notre gout du changement pour le changement. Rien de durable ne se fait concrètement sans réflexion, sagesse, et prière.

J’ai peur que Dieu m’en demande trop !

Je n’aime pas le silence, et encore moins la solitude (la musique, internet, etc.)

Sulpice Sévère écrit qu’après son ordination épiscopale, Martin, « pendant quelques temps, logea dans une cellule attenante à l’église. Puis comme il ne pouvait supporter le dérangement que lui causaient ses visiteurs, il aménagea pour lui une cellule de moine à deux milles environ en dehors de la cité. » Marmoutier est né alors… Pour Martin, Marmoutier a été non seulement son havre de silence et de contemplation, mais le creuset de son zèle et de sa charité avec les plus pauvres et les plus démunis.

Je crois que d’abord il faut le demander au Seigneur comme une grâce. Mais il faut aussi le désirer, le vouloir vraiment. Ce chemin est à faire sans cesse, car c’est un lieu de combat, tellement les choses extérieures nous sollicitent. C’est un combat qui est appelé à être un lieu d’offrande. C’est alors que le Seigneur pourra achever en nous le travail de la conversion.

Pour le dire autrement, il me semble que Martin est un homme, un prêtre qui nous apprend à revenir à notre cœur. C’est selon moi, la meilleure façon de « rechercher la charité » et de devenir charité pour les autres. Si nous voulons que le Seigneur vienne habiter, régner dans notre cœur, vivons « brancher » sur lui. Si nous avons l’impression que nous piétinons, c’est que notre amour du Christ n’est pas absolu, et donc que notre cœur est partagé. Il faut donc éduquer notre cœur à l’amour ! Le laisser se purifier, s’illuminer, se transformer dans la rencontre cœur à cœur avec le Dieu vivant.

Aimer quelqu’un dans la foi et la durée, c’est difficile. Oui, aimer ainsi exige une longue patience, une immense disponibilité, une solide maturité affective. Il y faut de la persévérance. Etre capable de sortir de soi-même afin de pouvoir donner, donner aux autres, et aussi accueillir. C’est exigeant. C’est l’Esprit Saint qui guérit et produit en nous ce supplément d’âme, cette descente vers le cœur.

Les hommes les plus utiles aux autres, ce sont ceux qui ont fait ce chemin vers leur propre cœur pour y rencontrer Dieu, le Dieu de vie et d’amour.

Je vois dans notre venue à Evron, nous les fils et filles de saint Martin, un appel pressant à nous enraciner dans une vie contemplative plus profonde, à une vie intérieure à la suite du Christ qui « le jour prêchait, et priait la nuit ». Jésus a acquis ses disciples de Dieu. Nous ne pouvons les obtenir que de Dieu. Toutes les méthodes sont vides sans le fondement de la prière. La Parole de l’annonce doit baigner dans une intense vie de prière. C’est là, et seulement là qu’elle trouve sa fécondité apostolique.

Dans sa lettre Au début du Nouvel millénaire, saint Jean-Paul II écrivait : « Beaucoup de choses, même dans le nouveau siècle, seront nécessaires pour le cheminement historique de l’Eglise ; mais si la charité (l’agapé), fait défaut, tout sera inutile… C’est l’heure d’une nouvelle « imagination de la charité », qui se déploierait non seulement à travers les secours prodigués avec efficacité, mais aussi dans la capacité de se faire proche, d’être solidaire de ceux qui souffrent, de manière que le geste d’aide soit ressenti non comme une aumône humiliante, mais comme un partage fraternel… Pour cela, nous devons faire en sorte que, dans toutes les communautés chrétiennes – et donc à la CSM !-, les pauvres se sentent « chez eux ». Ce style ne serait-il pas la présentation la plus grande et la plus efficace de la bonne nouvelle du Royaume ? Sans cette forme d’évangélisation, accomplie au moyen de la charité et du témoignage de la pauvreté chrétienne, l’annonce de l’Evangile, qui demeure la première des charités, risque d’être incomprise ou de se noyer dans un flot de paroles auquel la société actuelle de la communication nous expose quotidiennement. La charité des œuvres donne une force incomparable à la charité des mots. »

Que la vie de saint Martin nous encourage à être des apôtres enflammés de Dieu et des hommes et femmes de prière.

Amen.

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Biographie

Jean-François Guérin

Jean-François Guérin naquit à Loches au cœur de la Touraine le 25 juillet 1929 d’Albert Guérin et de Camille Linard, charcutiers dans cette ville ; il fut baptisé le 9 mars 1930 dans la collégiale Saint-Ours sous le prénom de Jean. Ses deux parents sont originaires d’Artannes-sur-Indre où il suivit sa première scolarité, dans une famille qui n’était pas particulièrement marquée par la foi.

Installé chez sa mère à Paris, il s’ouvrit de sa vocation à un prêtre de Versailles. C’est pourquoi, contre l’avis de sa famille, il entra au séminaire de Versailles, en 1949, à vingt ans. Les premières années de sa formation furant vraiment fondatrices pour lui, marquées par la forte spiritualité sacerdotale enseignée par les formateurs sulpiciens. Ces années furent coupées par son temps de service militaire en Tunisie et marquées par le décès de son père. Premier tournant dans son itinéraire : il décida de quitter Versailles pour revenir à Tours, puis il intégra le Séminaire français de Rome et, le 29 juin 1955, il fut ordonné prêtre en la cathédrale Saint-Gatien par Mgr Gaillard.

D’abord vicaire à la cathédrale de Tours, il fut nommé aumônier des lycées Descartes, Balzac et Grandmont à Tours où sa santé souffre un peu de l’intensité de son engagement auprès des jeunes. Souvent il les emmena à Fontgombault, une abbaye bénédictine qui eut une importance centrale dans sa vie et son sacerdoce : il en devint oblat en 1961. Quittant Tours, il fut envoyé à Paris pour des études de droit canonique, qu’il commença en 1965.  Pendant ces études, il était aussi confesseur à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, où il fut inspiré par les intuitions ecclésiales et missionnaires de Monseigneur Charles, recteur de la Basilique, avec lequel se créa une amitié. Les études terminées, il devint délégué général de l’Œuvre d’Orient en 1968 et garda cette charge, qui consistait à recueillir des fonds pour aider les écoles, dispensaires et œuvres caritatives dans les paroisses de toute la France, jusqu’en 1975.

À Paris, son ministère se déployait entre l’œuvre d’Orient, la mission de chapelain au Sacré Cœur et un ministère qui se dessina peu à peu auprès d’étudiants, hommes et femmes, qui le rejoignirent bientôt pour une heure d’adoration silencieuse mensuelle, à Montmartre. De ce silence, naquit l’idée d’une messe hebdomadaire en 1968. Elle est célébrée à la chapelle du Bon Secours, rue Notre-Dame-des-Champs, chapelle toute proche des bureaux de l’Œuvre d’Orient. L’abbé Guérin entendait donner à ces jeunes gens une solide formation centrée sur la vie intérieure, la vie sacramentelle, sur le discernement des vocations, mariage, sacerdoce, vie religieuse. Son action apostolique auprès de ce groupe comprendra aussi des camps – un mélange entre retraite et vacances, ce qui donna naissance aux futurs « Routes Saint-Martin ». Mais dans le temps de la réforme liturgique, il leur transmit aussi sa docilité envers les décisions du Concile et du Pape, face à certains qui ne veulent rien entendre sur le nouveau missel promulgué par le Pape Paul VI.

Proche des moines bénédictins de Fontgombault et des Sœurs Servantes des Pauvres, l’abbé Guérin accompagna des jeunes vers des vocations religieuses, contemplatives et apostoliques. Mais, plusieurs jeunes gens lui partagèrent leur désir de devenir prêtres diocésains. En février 1976, le cardinal Siri, archevêque de Gênes et Dom Jean Roy, Père Abbé de Fontgombault, se rencontrèrent à Rome où ce dernier demanda au cardinal s’il est possible d’accueillir des amis français à Gênes. L’accord fut immédiat : les études au séminaire seraient gratuites et un couvent capucin situé à dix-sept kilomètres du centre-ville serait mis à leur disposition. C’est alors que le 1er novembre 1976, commença la Communauté Saint-Martin par un cours intensif en italien ; suivirent les travaux à entreprendre au couvent de Voltri qui est en très mauvais état. Les années italiennes furent celles de la fondation, avec l’appui constant du cardinal Giuseppe Siri, qui, à sa démission, nomma l’abbé Guérin chanoine d’honneur de sa cathédrale.

L’année 1993 fut celui du retour en France, pour les membres de la Communauté. Aidé par les premiers membres, l’abbé Guérin guida cette installation à Candé-sur-Beuvron, dans le diocèse de Blois. Ce furent des années plus difficiles, marquées par différents problèmes de santé. L’abbé Guérin fut de plus en plus secondé. En février 2004, il présenta sa démission. Demeuré à Candé, il fut rappelé à Dieu le 21 mai 2005. Après ses obsèques à la cathédrale Saint-Louis de Blois, il fut inhumé au cimetière d’Artannes-sur-Indre, son village natal.

Le 18 juillet 2024, un communiqué faisant état des conclusions du rapport de la visite pastorale a révélé des faits reprochés par plusieurs anciens membres de la communauté à l’abbé Guérin. Nous entendons avec douleur la souffrance que certains ont pu exprimer auprès des visiteurs et allons effectuer courageusement ce travail de relecture qui permettra de faire évoluer cette page. Afin de recueillir la parole des personnes qui souhaiteraient se manifester, vous pouvez contacter, au nom de Mgr Matthieu Dupont qui a été nommé assistant apostolique de la communauté, la Cellule d’écoute des diocèses des Pays-de-Loire à l’adresse suivante : paroledevictimespaysdeloire@gmail.com

Biographie

Don Paul Préaux

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Don Paul Préaux, né le 6 octobre 1964 à Laval (Mayenne), rentre au séminaire de la Communauté Saint-Martin alors installée à Voltri (diocèse de Gênes, Italie) en 1982. Il est ordonné diacre en avril 1988 à Saint Raphaël (Var) par le cardinal Siri et obtient son baccalauréat de philosophie et de théologie. L’année suivante, le 4 juillet, il est ordonné prêtre à Gênes par le cardinal Canestri.

En 1990, don Paul obtient une licence canonique de théologie dogmatique à Fribourg (Suisse) et devient responsable de la maison de formation de Voltri. Il est envoyé à Rome en 1992 pour l’année d’habilitation au doctorat et commence ensuite sa thèse.

Nommé, en 1995, chapelain au sanctuaire de Notre-Dame de Montligeon (Orne), il devient recteur de ce sanctuaire consacré à la prière pour les défunts, charge qu’il occupera jusqu’à son élection comme Modérateur général de la Communauté Saint-Martin. Pendant cette période, don Paul est également membre du conseil presbytéral du diocèse de Sées pendant six ans et secrétaire du même conseil pendant 3 ans.

Docteur en théologie en 2005, don Paul est l’auteur d’une thèse sur Les fondements ecclésiologiques du Presbytérium selon le concile Vatican II et la théologie post-conciliaire. Enseignant la théologie dogmatique à l’École de théologie de la Communauté, depuis 1993, il intervient également dans différents lieux d’enseignement, comme le Centre d’études théologiques de Caen. Il est également sollicité pour prêcher des retraites et intervenir dans différents diocèses et communautés, notamment des thèmes de la spiritualité sacerdotale et de l’espérance chrétienne, sur lesquels il a publié des ouvrages.  Renvoi à la page de ses publications.

Le 26 avril 2010, don Paul Préaux est élu Modérateur général de la Communauté Saint-Martin et réélu en 2016 à cette charge pour un nouveau mandat de six ans. Il est à nouveau élu à cette charge en 2022 pour un dernier mandat.