La charité de saint Martin dans la vie commune

Le 19 janvier 2016

Assises 2007

La vie commune à la Communauté Saint-Martin

Dans la continuité de tout ce qui fut dit et partager sur la vie et la charité fraternelle, je voudrais souligner l’opportunité spirituelle que cet évangile et l’exemplarité de notre saint Patron nous permettent de saisir pour oser la charité fraternelle. A cette occasion, je fais mien ce que l’irascible Tertullien écrivait au début de son traité sur la Patience : «  Fasse le ciel que la honte de ne pas faire moi-même ce que j’enseigne aux autres m’apprenne enfin à le pratiquer! »

Saint Cyrille de Jérusalem dans la catéchèse baptismale que nous avons lue à l’office de mercredi dernier, parle de la foi sous ses deux réalités distinctes, la foi « dogmatique » et de la foi « charismatique ». La première exprime notre identité de chrétien, la seconde notre vie de disciple. La même distinction peut s’appliquer à la fraternité. Il y a celle qui est constitutive de notre identité chrétienne et celle qui relève de notre vie chrétienne. Il ne suffit pas d’être constitué frère, il faut vivre en frères. Cette vie en frère, c’est la charité fraternelle.

Dans l’évangile deux aspects contextuels à son message central que constitue l’acte d’attention au pauvre ont retenu mon attention:

  1. La dimension ecclésiale et communautaire. Elle est soulignée par l’utilisation des pluriels pour désigner, hormis le Christ, les protagonistes du récit, et par l’image du rassemblement des nations —l’Ecclesia— recevant collectivement bénédiction ou malédiction de la part du Christ.
  2. Le Christ s’identifie aux pauvres, aux petits, qu’il appelle ainsi ses frères. Le statut de frère est lié à l’expérience d’une pauvreté.

Si nous sommes frères les uns les autres, ce n’est pas d’abord parce que nous vivons en communauté, que nous partageons les mêmes idées ou la même sensibilité.  Ce qui nous fait frères, c’est notre attachement et notre configuration au Christ, par le baptême et par le sacerdoce. Cette fraternité nous la confessons lorsque nous disons à Dieu : « Notre Père ». Mais seul le Christ dit « Je » à son Père. En dehors du Christ, nul ne réalise dans l’unicité de sa personne la totalité de la filiation divine. Il en est de même de la charité fraternelle. La charité fraternelle qui découle de cette filiation adoptive, ne consiste pas à atteindre individuellement un niveau de performance spirituelle et morale qui ferait de chacun de nous des clones du Christ.. C’est pourquoi, un saint Martin et un saint Clair pouvaient cohabiter péniblement sur la terre et se retrouver ensemble au ciel ! Il en est de même dans notre vie martinienne. La charité fraternelle au sein de nos communautés ne se réalisera jamais dans la totalité de sa perfection en chacune de nos individualités. Pourtant il nous faut en vivre et la construire personnellement si nous voulons demeurer cohéritiers du Seigneur et faire partie des bénis du Père.

La charité de saint Martin : source de vie fraternelle

Saint Martin célébrant l’Eucharistie : le sommet de sa vie commune.

Martin et le pauvre d’Amiens, Martin et le pauvre de Tours.

Les deux charité de saint Martin, celle d’Amiens alors qu’il était catéchumène et celle de Tours quand il était évêque, peuvent nous éclairer sur la façon de vivre en martinien cette charité fraternelle. En revêtant par deux fois le pauvre, Martin manifeste qu’il veut être lui-même aux yeux du Christ ce que le pauvre est successivement à ses yeux de catéchumène et de prêtre : un frère. Ses deux gestes de charité fraternelle sont liés à sa volonté de rencontrer le Christ pour en devenir le frère. Désir de rencontre exprimé en se préparant au baptême, désir de rencontre en se préparant à la messe. Lorsque nous avons le sentiment que la vie communautaire fonctionne mal, nous ne manquons pas d’en diagnostiquer les manques, les maladies et les enfermements et ainsi, consciemment ou non, d’en voir ses membres comme des petits ou des pauvres. Nous voilà donc dans la même situation que Martin : face à un pauvre qui est son frère, face à son frère qui est un pauvre !

Martin n’a donné que la moitié de sa chlamyde : la part qui lui appartenait explique la tradition. Dans la sacristie de Tours, il n’a pas donné les habits sacerdotaux dont il avait besoin pour célébrer la messe mais bien ses vêtements personnels. Il n’a, là aussi, donné que ce qui lui appartenait en propre et dont il disposait librement. Si son union au Christ dans l’état de vie qui était le sien, catéchumène puis prêtre, fut la source de sa charité fraternelle, le renoncement qu’il fait de son bien propre au profit de celui en qui il reconnaît son frère en est le sceau d’authenticité. Renoncement et charité fraternelle sont intimement liés. En choisissant d’être membre de la Communauté Saint Martin, la charité fraternelle revêt pour nous la forme spécifique de la vie communautaire. Le renoncement qui lui est lié réside dans le libre abandon d’une part de notre autonomie, ainsi que le rappellent nos statuts. L’obéissance attendue est ainsi la garantie d’une authentique fraternité dans la Communauté Saint Martin. Mais cela ne suffit pas ! Notre vie fraternelle doit se construire sur cette part de bien qui nous est propre.

Nous ne pouvons, comme nous le ferions peut-être à l’égard d’un solliciteur habituel, dire : « j’ai déjà donné ! ». Notre vie chrétienne et sacerdotale, qui est celle du Christ, est fondée sur le don continu de nous –mêmes. Ce à quoi nous avons librement renoncé pour être Martinien, ne nous appartient plus puisque nous y avons renoncé ! Ce que nous avons donné de notre vie à l’Eglise pour être prêtre ou diacre, ne nous appartient plus puisque nous l’avons donné ! Si nous voulons contribuer à la croissance de la vie fraternelle, il nous faut puiser dans ce qui nous est propre, cette part restante, pour la donner au frère et être reconnu par le Christ comme un frère. Cette part peut revêtir bien des dénominations : temps, confort, disponibilité, patience, autonomie, indépendance, tranquillité, propriété, argent, loisir, reconnaissance…etc.

Une chose est sûre, le donner, c’est s’en priver. Personne ne peut nous y obliger ou le réclamer. Il s’agit de charité, d’amour du prochain. On veut ou on ne veut pas. Mais si ce renoncement n’est pas un don de compassion et l’expression d’un désir de réelle communion au Christ dans le prochain et dans l’eucharistie, il ne portera que le fruit d’une frustration ou d’une servilité immature dont un jour ou l’autre on en fera payer le prix à la Communauté ou à l’Eglise.

Toute la vie de saint Martin fut marquée de cette charité fraternelle. Demandons son aide et son intercession pour le suivre sur cette route. Ne craignons pas d’en accepter l’exigence car il s’agit de la vie même du Christ en nous , lui qui nous a aimé jusqu’à mourir pour nous et qui nous invite à faire de même pour lui et pour nos frères.

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Biographie

Jean-François Guérin

Jean-François Guérin naquit à Loches au cœur de la Touraine le 25 juillet 1929 d’Albert Guérin et de Camille Linard, charcutiers dans cette ville ; il fut baptisé le 9 mars 1930 dans la collégiale Saint-Ours sous le prénom de Jean. Ses deux parents sont originaires d’Artannes-sur-Indre où il suivit sa première scolarité, dans une famille qui n’était pas particulièrement marquée par la foi.

Installé chez sa mère à Paris, il s’ouvrit de sa vocation à un prêtre de Versailles. C’est pourquoi, contre l’avis de sa famille, il entra au séminaire de Versailles, en 1949, à vingt ans. Les premières années de sa formation furant vraiment fondatrices pour lui, marquées par la forte spiritualité sacerdotale enseignée par les formateurs sulpiciens. Ces années furent coupées par son temps de service militaire en Tunisie et marquées par le décès de son père. Premier tournant dans son itinéraire : il décida de quitter Versailles pour revenir à Tours, puis il intégra le Séminaire français de Rome et, le 29 juin 1955, il fut ordonné prêtre en la cathédrale Saint-Gatien par Mgr Gaillard.

D’abord vicaire à la cathédrale de Tours, il fut nommé aumônier des lycées Descartes, Balzac et Grandmont à Tours où sa santé souffre un peu de l’intensité de son engagement auprès des jeunes. Souvent il les emmena à Fontgombault, une abbaye bénédictine qui eut une importance centrale dans sa vie et son sacerdoce : il en devint oblat en 1961. Quittant Tours, il fut envoyé à Paris pour des études de droit canonique, qu’il commença en 1965.  Pendant ces études, il était aussi confesseur à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, où il fut inspiré par les intuitions ecclésiales et missionnaires de Monseigneur Charles, recteur de la Basilique, avec lequel se créa une amitié. Les études terminées, il devint délégué général de l’Œuvre d’Orient en 1968 et garda cette charge, qui consistait à recueillir des fonds pour aider les écoles, dispensaires et œuvres caritatives dans les paroisses de toute la France, jusqu’en 1975.

À Paris, son ministère se déployait entre l’œuvre d’Orient, la mission de chapelain au Sacré Cœur et un ministère qui se dessina peu à peu auprès d’étudiants, hommes et femmes, qui le rejoignirent bientôt pour une heure d’adoration silencieuse mensuelle, à Montmartre. De ce silence, naquit l’idée d’une messe hebdomadaire en 1968. Elle est célébrée à la chapelle du Bon Secours, rue Notre-Dame-des-Champs, chapelle toute proche des bureaux de l’Œuvre d’Orient. L’abbé Guérin entendait donner à ces jeunes gens une solide formation centrée sur la vie intérieure, la vie sacramentelle, sur le discernement des vocations, mariage, sacerdoce, vie religieuse. Son action apostolique auprès de ce groupe comprendra aussi des camps – un mélange entre retraite et vacances, ce qui donna naissance aux futurs « Routes Saint-Martin ». Mais dans le temps de la réforme liturgique, il leur transmit aussi sa docilité envers les décisions du Concile et du Pape, face à certains qui ne veulent rien entendre sur le nouveau missel promulgué par le Pape Paul VI.

Proche des moines bénédictins de Fontgombault et des Sœurs Servantes des Pauvres, l’abbé Guérin accompagna des jeunes vers des vocations religieuses, contemplatives et apostoliques. Mais, plusieurs jeunes gens lui partagèrent leur désir de devenir prêtres diocésains. En février 1976, le cardinal Siri, archevêque de Gênes et Dom Jean Roy, Père Abbé de Fontgombault, se rencontrèrent à Rome où ce dernier demanda au cardinal s’il est possible d’accueillir des amis français à Gênes. L’accord fut immédiat : les études au séminaire seraient gratuites et un couvent capucin situé à dix-sept kilomètres du centre-ville serait mis à leur disposition. C’est alors que le 1er novembre 1976, commença la Communauté Saint-Martin par un cours intensif en italien ; suivirent les travaux à entreprendre au couvent de Voltri qui est en très mauvais état. Les années italiennes furent celles de la fondation, avec l’appui constant du cardinal Giuseppe Siri, qui, à sa démission, nomma l’abbé Guérin chanoine d’honneur de sa cathédrale.

L’année 1993 fut celui du retour en France, pour les membres de la Communauté. Aidé par les premiers membres, l’abbé Guérin guida cette installation à Candé-sur-Beuvron, dans le diocèse de Blois. Ce furent des années plus difficiles, marquées par différents problèmes de santé. L’abbé Guérin fut de plus en plus secondé. En février 2004, il présenta sa démission. Demeuré à Candé, il fut rappelé à Dieu le 21 mai 2005. Après ses obsèques à la cathédrale Saint-Louis de Blois, il fut inhumé au cimetière d’Artannes-sur-Indre, son village natal.

Le 18 juillet 2024, un communiqué faisant état des conclusions du rapport de la visite pastorale a révélé des faits reprochés par plusieurs anciens membres de la communauté à l’abbé Guérin. Nous entendons avec douleur la souffrance que certains ont pu exprimer auprès des visiteurs et allons effectuer courageusement ce travail de relecture qui permettra de faire évoluer cette page. Afin de recueillir la parole des personnes qui souhaiteraient se manifester, vous pouvez contacter, au nom de Mgr Matthieu Dupont qui a été nommé assistant apostolique de la communauté, la Cellule d’écoute des diocèses des Pays-de-Loire à l’adresse suivante : paroledevictimespaysdeloire@gmail.com

Biographie

Don Paul Préaux

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Don Paul Préaux, né le 6 octobre 1964 à Laval (Mayenne), rentre au séminaire de la Communauté Saint-Martin alors installée à Voltri (diocèse de Gênes, Italie) en 1982. Il est ordonné diacre en avril 1988 à Saint Raphaël (Var) par le cardinal Siri et obtient son baccalauréat de philosophie et de théologie. L’année suivante, le 4 juillet, il est ordonné prêtre à Gênes par le cardinal Canestri.

En 1990, don Paul obtient une licence canonique de théologie dogmatique à Fribourg (Suisse) et devient responsable de la maison de formation de Voltri. Il est envoyé à Rome en 1992 pour l’année d’habilitation au doctorat et commence ensuite sa thèse.

Nommé, en 1995, chapelain au sanctuaire de Notre-Dame de Montligeon (Orne), il devient recteur de ce sanctuaire consacré à la prière pour les défunts, charge qu’il occupera jusqu’à son élection comme Modérateur général de la Communauté Saint-Martin. Pendant cette période, don Paul est également membre du conseil presbytéral du diocèse de Sées pendant six ans et secrétaire du même conseil pendant 3 ans.

Docteur en théologie en 2005, don Paul est l’auteur d’une thèse sur Les fondements ecclésiologiques du Presbytérium selon le concile Vatican II et la théologie post-conciliaire. Enseignant la théologie dogmatique à l’École de théologie de la Communauté, depuis 1993, il intervient également dans différents lieux d’enseignement, comme le Centre d’études théologiques de Caen. Il est également sollicité pour prêcher des retraites et intervenir dans différents diocèses et communautés, notamment des thèmes de la spiritualité sacerdotale et de l’espérance chrétienne, sur lesquels il a publié des ouvrages.  Renvoi à la page de ses publications.

Le 26 avril 2010, don Paul Préaux est élu Modérateur général de la Communauté Saint-Martin et réélu en 2016 à cette charge pour un nouveau mandat de six ans. Il est à nouveau élu à cette charge en 2022 pour un dernier mandat.