Marie Peltier, Professeur d’histoire
Dans un système éducatif qui n’arrive plus guère à enseigner des savoirs, difficile de transmettre également une éducation humaine. Pourtant, le travail de mère et celui d’enseignante visent un même but : former des adultes ; et relèvent des mêmes moyens : éduquer la volonté en montrant le bien.
Élever des enfants ou enseigner une discipline scolaire à des collégiens procèdent d’une matrice commune. La fin de tout acte éducatif, de la toute petite enfance jusqu’aux prémices de l’âge adulte, consiste à éduquer la volonté. Tout le reste pourrait se récapituler dans une autre activité permanente, mais presque plus facile : celle de la transmission.
Dans la salle de classe qui est une petite société, le rôle de l’enseignant consiste d’abord à assumer son autorité : donner les règles de vie et, plus important encore, les faire respecter. L’adulte qui rappelle la règle et la fait appliquer sécurise l’enfant, qui ne sent nullement oppressé par un cadre clair. Il cherche à en tester les limites par la transgression, il s’agit dès lors pour l’adulte de tenir bon. Baisser la voix dans les graves, tenir un regard appuyé, ou au contraire, détourner ostensiblement les yeux, sanctionner avec détermination, appliquer les menaces énoncées … sont des méthodes qui permettent de tracer, sans cesse, les limites. Il en va de même dans la famille, où les parents ne doivent pas avoir peur ou honte d’assumer les lois, lesquelles deviendront chez leurs enfants des mœurs, ou, si l’on préfère, une morale, c’est-à-dire un « bien agir ».

Dans la salle de classe, qui est le lieu de la transmission, l’élève est, comme en botanique, une « plante ou un arbre dont la croissance est dirigée par un tuteur ». Il a besoin d’appuyer sa chétive pousse sur un pilier solide et droit. L’esprit de l’enfant constitue un terrain infini où peut s’imprimer toute connaissance venue du monde, et tout talent qu’il recèle peut s’exprimer dans le monde. Transmettre des savoirs académiques, c’est faire un triple don à l’élève : celui de la connaissance, celui de la sécurité, et celui de la confiance.
Depuis des décennies, et avec les ravages que cela engendre, notre système scolaire s’appuie sur les thèses pédagogistes qui mettent l’élève, et non le savoir, au cœur du système. Pourtant, seule la transmission d’un savoir solide, de façon verticale et magistrale, permet à chaque enfant d’élaborer une pensée propre et libre. L’école ne devrait pas adapter ses exigences à son public, elle devrait maintenir haut la barre du savoir, seule source d’émancipation possible, seul moyen de « penser par soi-même », seule garantie de se confronter au monde avec des outils efficaces.
Ainsi, un professeur qui sait, qui sait expliquer, répondre, digresser, comparer, répéter, attendre, s’adapter … restera toujours un professeur légitime et crédible, sur lequel s’appuie l’élève pour grandir par lui-même. Nul besoin de justifier des règles de vie dans la classe, l’autorité du professeur émane d’abord de sa compétence scientifique et pédagogique.
L’élève, comme Jésus, croît « en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes » (Lc 2, 50).
Enfin, dans la salle de classe, comme à la maison, l’adulte éduque par l’exemple. La politesse, le respect, le sens du service, la courtoisie, la rigueur, le sens de la parole donnée … sont des vertus qui infusent leur milieu ambiant et éduquent la volonté. Accepter la contrainte, réagir avec maturité aux imprévus, chercher une solution pour résoudre un problème ou surmonter un obstacle, et, par-dessus tout, viser le bien. Telles sont les applications concrètes d’une éducation de la volonté.
Discerner le bien par la connaissance, puis le choisir par la volonté. Quel beau programme de vie !