Thomas Santoni, séminariste
Les gestes sont nombreux dans la liturgie chrétienne, au point parfois de concentrer toute l’attention. Dans la prière, relation intime, le corps a néanmoins un rôle propre pour conduire l’âme vers Dieu.
Les psaumes sont la prière de l’homme tout entier tourné vers Dieu, corps et âme. Avec eux nous nous mettons en présence de Dieu (Ps 100, 2), nous cherchons sa face (Ps 26, 9), nous crions (Ps 129, 1), pour élever notre âme (Ps 24, 1). Ils apparaissent comme la prière de qui veut adorer en esprit et en vérité (Jn 4, 24). C’est-à-dire avec la vérité de tout notre être, corps et âme. La prière ne peut dès lors se résoudre à un simple exercice mental, quel sens le corps peut-il lui donner ?
Le corps éveille l’âme. Avec des gestes nous nous mettons en présence de Dieu, qui lui le premier est présence réelle. Le signe de la croix ouvre à cette présence. La liturgie ne s’y trompe d’ailleurs pas en nous faisant alterner les positions assise (l’écoute), agenouillée (l’adoration) et debout (la Résurrection), qui contribuent à éveiller la vie intérieure. Être intérieur implique d’abord de reconnaître que nous sommes aussi extérieurs, que nous sommes des êtres sensibles. Nos sens peuvent nous faire expérimenter ce que doit être la prière. Le corps est authentiquement le lieu de la sensation, où nous nous donnons en vérité.

L’âme en prière a aussi besoin du corps, qui lui donne comme sa direction, qui lui permet de s’exprimer. Ainsi le silence du corps précède-t-il le silence du cœur, afin que tout notre être se mette à l’écoute de Dieu. C’est bien en nous-mêmes qu’il faut entrer, si l’on reprend les mots de saint Augustin : « Tu étais au-dedans de moi et moi j’étais dehors. » Le Dieu Trinité que nous cherchons réside au plus profond de notre être. C’est également dans notre corps que nous expérimentons notre finitude. Dans la fatigue et la maladie ou plus simplement le besoin et la frustration nous est rappelée notre limite de créature : « Corporellement, nous sommes ici-bas des insatisfaits […] aucune immensité ne peut contenter la soif d’infini de notre regard. Nous sommes bridés de toute part, alors que nous sommes faits pour l’illimité. » (Guy de Larigaudie) C’est que le repos véritable est en Dieu. Notre corps limité nous fait prendre conscience des dons qui sont à recevoir de Dieu, qui lui seul peut donner à notre être son véritable achèvement.
Désormais l’unité bien comprise du corps et de l’âme révèle que le corps peut donner à la prière son sens véritable, sa signification profonde. Il peut être le signe de l’unification de notre être, tout tourné vers Dieu. Déjà sur cette terre, où le Seigneur nous invite à prier sans cesse. Si notre esprit ne peut pas toujours se rendre intentionnellement présent à Dieu, notre corps est là pour le glorifier. Dans notre devoir d’état, dans nos relations, dans nos efforts physiques du quotidien (marche, services, sourires). En définitive, la Résurrection qui nous est promise nous rappelle que nous serons sauvés avec notre corps, dans lequel nous rendrons gloire à Dieu : « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes ? Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps. » (1Co 6, 18-20) Et si le corps peut être un instrument de péché, il peut aussi se mettre au service de la gloire de Dieu. N’est-ce pas le sens de l’ascèse que de l’apprivoiser pour le destiner tout entier à Dieu ?
Le corps peut donc donner sens à la prière, comme lieu de sensation, de direction et de signification. Il y a toute sa place, car c’est précisément ce qui nous distingue des anges. Il peut être un tremplin vers le Ciel, à condition de revêtir l’éternité. C.S. Lewis l’a très bien décrit dans Le Grand divorce entre le ciel et la terre, où il est physiquement impossible aux êtres de garder quoi que ce soit de la terre pour pouvoir voir le ciel. Ce qui sera ressuscité doit être transfiguré. Et donc si pour le moment notre corps ne nous permet pas de demeurer dans les hauteurs, il peut bien faire gravir à notre âme les marches de la prière.
La vraie sagesse
Plus le pouvoir des hommes s’accroît, plus la responsabilité humaine grandit. Il faut garder un horizon « d’intelligence relationnelle » (AN, 111) et ne surtout pas s’habituer au numérique, au risque d’une humanité diminuée. Nous sommes invités à entretenir « une appréciation renouvelée de tout ce qui est humain » (AN, 112) pour préserver l’unité de la famille humaine.
Plus largement ce document offre une réflexion sur la capacité humaine à innover, à créer, donnée elle-même par Dieu. En outre c’est aussi l’occasion pour l’Église de s’adresser au plus grand nombre. La vraie sagesse, au-delà de l’accumulation des données, est selon les mots du Pape celle du cœur, qui « tisse le tout et les parties » (AN, 114).