Soph.3, 14-18a Phil.4, 4-7, Lc.3, 10-18
Ez 37, 12-14 // Rm 8, 8-11 // Jn 11, 1-45
L’enseignement du troisième dimanche se situe dans la suite logique du dimanche précédent. Avec autant de profondeur et autant de paradoxe. On se souvient que dimanche dernier, la question s’était posée de savoir comment comprendre cette phrase de l’évangile : « Tout homme verra le Salut de Dieu. » Aujourd’hui, pareillement, l’Église nous demande de nous réjouir ! Elle emploie les moyens les plus simples et les plus significatifs, tels que la lumière, les fleurs, la musique qui reviennent dans la liturgie, pour nous aider à nous réjouir d’une joie dont elle veut nous faire découvrir la profondeur réelle qui est infinie !
« Donne-nous de parvenir au bonheur d’un tel salut… »
C’est le thème de notre prière de la collecte : « Accorde-nous de parvenir au bonheur d’un tel salut, et de le célébrer avec une joie toujours nouvelle. » Comment honnêtement, humainement, pourrions-nous aujourd’hui, lorsque nous savons que la moitié de la planète est en guerre ou dévorée par la persécution et la famine, lorsque nous-mêmes, nous avons nos propres croix qui sont souvent très lourdes, d’autant plus que nous sommes seuls à les porter, comment pouvons-nous nous réjouir ? Allez-donc dire aux milliers de sans-abri : « Réjouissez-vous, le Seigneur est proche ! »
Et pourtant c’est le message de l’Église qui est catholique, donc universelle, et qui donc s’adresse à tous, les heureux comme les malheureux, les riches comme les pauvres.
Notre humanité est à la grâce ce que la terre est à la semence
Pourquoi donc faut-il nous réjouir que le Seigneur se fasse proche ? De quelle proximité s’agit-il ?
Il ne s’agit pas bien entendu d’une proximité de temps : plus nous avançons dans le temps, plus nous nous éloignons, au contraire, de cette venue historique de Dieu. Il s’agit d’une proximité bien plus profonde, immuable, et je dirais volontiers inusable… Car par cette Incarnation, que nous allons célébrer dans 15 jours, Dieu prenant une nature humaine, prend toute l’humanité et Il prend toute humanité, cette humanité qui quelquefois nous encombre, qui est lourde, qui est pécheresse, souffreteuse, fragile, et dont nous aimerions bien souvent nous débarrasser…
C’est dans cette humanité, dans cette pâte que la vie divine, autrement dit la grâce de Dieu, est venue se déposer en gestation. Elle est venue se déposer comme le jardinier jette la semence. Avons-nous songé que notre humanité est à la grâce ce que la terre est à la semence ? Sommes-nous conscients que c’est en nos cœurs, en nos corps, en notre esprit, en cette terre qu’est tout cela, que la semence de Dieu a été déposée depuis l’Incarnation et notre baptême ?
Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.
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Tout acte humain peut contenir la relation d’amour entre Jésus et Son Père
Quelle dignité ! Quelle dignité avons-nous, malgré nos péchés, malgré nos lâchetés, toutes nos faiblesses, quelle dignité en l’homme ! C’est un véritable vase dans lequel est contenu une eau divine, une eau vivifiante…
Et cela entraîne, comme conséquence, que toute notre humanité personnelle, notre vie, notre quotidien, peut appartenir à Jésus-Christ et à Son mystère qui est le mystère de l’Amour du Père et du Fils. Il faudrait dire plutôt que chacune de nos minutes contenant nos pensées, nos intentions, nos paroles, tout acte humain peut contenir la vie de Jésus-Christ, qui n’est autre que l’Amour qu’Il porte à Son Père en tant que Fils.
Quelle dignité ! Quelle potentialité dans ces pauvres mains, ces pauvres bras, ce cœur tant de fois défaillant, cette intelligence si limitée, ces qualités quelquefois débiles, quelle potentialité de savoir que tout cela, comme chaque seconde du temps, est une contenance possible de Jésus, vrai Dieu et vrai Homme, qui s’offre à Son Père dans une relation d’Amour filial parfaite !
Mon humanité est rédemptrice !
C’est pour cela que depuis l’Incarnation, depuis cette possibilité de trouver dans ma chair Jésus, Sa Vie, Son être, mon humanité est rédemptrice. C’est par mon humanité qui contient la grâce, qui contient la présence de Dieu, qui est déjà divinisée, que je fais ma sainteté. Mon salut, je le fais moi-même avec ce que Dieu me donne, l’argile, le vase, et ce qui est contenu à l’intérieur : la vie de Dieu, la vie de Son Fils !
Voilà le motif de la joie de Noël : cette certitude de savoir que, en tant qu’homme libre, je participe librement à ma construction, à mon salut, à mon épanouissement, et finalement, à ma liberté elle-même, cette liberté d’enfant de Dieu, cette liberté que seul l’amour peut donner en vérité et sans mesure !
Je n’ai rien à craindre, rien ! Parce que chaque point de mon humanité, est un point de contact avec Dieu ; je peux toucher Dieu par tous les actes que je pose dans ma vie quotidienne. Il n’y a que ma volonté propre qui puisse refuser ce contact de ma chair, de mon âme, de mon cœur, de mon intelligence, avec Celui qui est venu et qui est en moi, et qui peut me toucher de toutes parts, qui peut ne jamais me quitter.
Alors, que faire ? Finalement, la vie chrétienne devient si simple !
Laisser Jésus aimer Son Père en moi !
Regardez la prédication de Jean Baptiste : que le soldat soit bon soldat, que le percepteur d’impôts soit un bon percepteur d’impôts, que la mère de famille soit une bonne mère de famille, que le prêtre soit un bon prêtre, etc… C’est simple ! Il suffit de poser mon acte, de vivre mes 24 heures quotidiennes pour pouvoir trouver, dans chacune des activités de ce que nous appelons le devoir d’état, la possibilité de toucher Dieu, la possibilité de poser un acte d’amour, et donc, tout simplement : la possibilité de laisser Jésus, à travers mon humanité qui est aussi la Sienne continuer à aimer Son Père !
C’est la voie de l’enfance spirituelle de la petite Thérèse. C’est ainsi qu’on voit que le mystère de Noël est vraiment le mystère de l’enfance. Arriver à ramasser une épingle pour l’amour de Dieu, arriver à faire les petites choses non pas pour elles-mêmes, mais les voir comme l’instant, le moment, où je touche Dieu, où dans cette petite chose, dans ce petit devoir, dans cet exercice, dans cet acte, j’ai la possibilité de rencontrer mon Père par un acte d’amour comme Jésus, en Jésus, avec Jésus qui le fait à travers moi et par moi !
Faire extraordinairement les choses ordinaires
Cette potentialité, cette humanité, qui est la mienne et qui appartient à Dieu et que je donne à Jésus pour qu’Il continue d’aimer Son Père, cette humanité me permettra de faire extraordinairement les choses ordinaires comme aimait à dire Saint Jean Paul II.
C’est cela la sainteté. La sainteté, c’est faire extraordinairement, c’est-à-dire avec la puissance de la charité divine, avec la puissance du don de la grâce, avec la puissance de l’Amour de Jésus en moi, les choses ordinaires de la vie quotidienne.
Ne cherchons pas midi à 14 heures ! Ne prenons pas non plus de grandes résolutions. Ne nous disons pas que nous ne pouvons pas être saints parce que nous ne sommes pas derrière les grilles d’un couvent, parce que nous n’avons pas telle ou telle puissance, telle ou telle qualité, telle ou telle formation.
Je peux être saint parce que je peux faire de ma vie avec Jésus et à Sa suite, un acte de donation, un acte d’amour vis-à-vis de mon Père qui est aussi le Père de Jésus. Parce que depuis l’Incarnation, Jésus est en moi, et peut y vivre à tout instant, si je Le laisse agir par Son Esprit qu’Il me propose de recevoir et avec lequel Il m’invite à respirer, à vivre, à aimer comme Lui, avec Lui et en Lui… A commencer par notre Père qui est aux Cieux !
Mgr Jean-Marie Le Gall – Communauté Saint Martin
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