Envoyés pour prêcher

Le 22 février 2024

Plus que n’importe quel enseignement, la prédication est une aventure pastorale et spirituelle. Parfois éprouvante, parfois enthousiasmante, elle nous ramène au cœur de notre vocation et de notre ministère sacerdotal.

La prédication est une vocation

Nous avons été appelés à prêcher. Comme Moïse, Jérémie, Pierre et les apôtres, Paul et tant d’autres. Nous avons été saisis dans nos projets et nos désirs, dans nos timidités et nos médiocrités. Pour quelle raison ? Aucune idée. Et comme un trésor, nous portons en nous le témoignage de Jésus : « Celui qui m’a envoyé est avec moi. » (Jn 8, 29)

Je repense souvent aux craintes de Moïse : « Ils ne me croiront pas ! » (Ex 4, 1) « Je n’ai jamais été doué pour la parole… » (Ex 4, 10) « Je t’en prie Seigneur, envoie quelqu’un d’autre ! » (Ex 4, 13)

La légitimité du prédicateur ne se trouve pas en lui-même mais en celui qui l’a envoyé.

Si la prédication est une vocation, alors il ne s’agit pas seulement d’une chose à dire ou à transmettre. Il s’agit de consacrer sa vie et son histoire pour cette Parole. Les prophètes et les apôtres ont compris, parfois en tremblant, que leur existence tout entière était mise en jeu dans cet appel.

C’est pourquoi, avant toute qualité d’expression, le prédicateur peut s’appuyer sur ce « don reçu » qu’il convient de raviver (2 Tm 1, 6) et revenir souvent à cet « amour des premiers temps » (Ap 2, 4) qui autrefois l’avait saisi.

« Pour devenir un bon prédicateur, il n’est pas nécessaire d’être un grand orateur. Il est vrai que l’art oratoire ou la capacité de parler en public, y compris l’usage approprié de la voix et aussi des gestes, contribue à l’efficacité de l’homélie. […] L’essentiel est que le prédicateur veille à placer la Parole de Dieu au centre de sa vie spirituelle, qu’il connaisse bien le peuple auquel il s’adresse, qu’il réfléchisse sur les événements qui surviennent à son époque, qu’il cherche sans cesse à développer les capacités susceptibles de l’aider à prêcher d’une manière appropriée et que, surtout, conscient de sa propre pauvreté spirituelle, il invoque dans la foi l’Esprit-Saint, le principal auteur capable d’ouvrir le cœur des fidèles aux mystères divins. »[1]

La prédication est une médiation

Au-delà ou en-deçà de tous les conseils pratiques de rhétorique ou de style, c’est à mon avis le seul grand critère d’évaluation de nos prédications : Est-ce que je parle de Dieu ? Est-ce que je parle aux gens ? Le défi spirituel d’une prédication consiste peut-être simplement à ne pas glisser dans une dimension à deux termes :

  • Dieu et moi. Les fidèles assistent alors de l’extérieur à une méditation personnelle qui peut être profonde par ailleurs. « Le prédicateur doit aussi se mettre à l’écoute du peuple, pour découvrir ce que les fidèles ont besoin de s’entendre dire. Un prédicateur est un contemplatif de la Parole et aussi un contemplatif du peuple. » (Evangelii Gaudium, 154). À qui parlons-nous ? Jésus ne parle pas de la même manière aux foules, aux disciples, aux pharisiens ou aux douze.
  • Moi et les fidèles. La relation est plus directe, la prédication plus animée et peut-être plus sympathique. Mais sans profondeur théologale, sans écoute de la Parole, la grâce ne passe plus. C’est la mondanité spirituelle qui s’exprime dans des banalités politiques, psychologiques ou littéraires…

Si la prédication est une médiation, il convient de veiller à ne pas rendre spectateurs de notre ministère ni les fidèles ni Dieu lui-même…

La prédication est une traduction

« Si votre langue ne produit pas un message intelligible, comment reconnaître ce qui est dit ? » (1 Co 14, 9) La prédication est une traduction parce que le Verbe s’est fait chair. Il s’est rendu visible et il a parlé le langage de ses contemporains pour évoquer le mystère de la miséricorde et du salut.

« Naturellement, des mots importants de la tradition – comme sacrifice d’expiation, rédemption du sacrifice du Christ, péché originel – sont aujourd’hui incompréhensibles comme tels. Nous ne pouvons pas travailler simplement avec de grandes formules, vraies, mais qui ne trouvent plus leurs contexte dans le monde d’aujourd’hui. Nous devons, par l’étude et ce que nous disent les maîtres de la théologie et notre expérience personnelle de Dieu, concrétiser, traduire, ces mots importants, afin qu’ils puissent entrer dans l’annonce de Dieu aux hommes d’aujourd’hui. » (Benoît XVI, Discours au clergé de Rome, le 27 février 2009)

Notre vocabulaire religieux n’est pas toujours audible. En utilisant dans notre prédication le terme de « conversion » beaucoup penseront que nous évoquons un changement de religion. Les plus fidèles comprendront que nous appelons à cette transformation du cœur par la force de l’Évangile.

La prédication est un effort de traduction parce que nous sommes invités à « rendre raison de l’espérance qui est en nous » (1 P 3, 15).

« Tout l’enjeu est de servir le mystère sans l’aplatir, d’ouvrir les trésors de la connaissance et non pas de fermer à clé le Royaume des Cieux (Mt 23, 13). »

Une autre manière de traduire, c’est de trouver les images qui évoquent quelque chose dans l’imaginaire des gens. C’est le sens profond des paraboles qui permet de faire se rejoindre le mystère de Dieu et la vie quotidienne des hommes. « À première vue, l’auditeur n’a aucune peine à entrer dans le monde ordinaire de la parabole, mais bien vite, il s’aperçoit qu’il y a justement quelque chose qui ne colle pas avec le quotidien, que l’ordinaire est en train de revêtir, dans les mots de Jésus, un caractère décidément extraordinaire : le semeur qui gaspille la semence, une poule qui est le Sauveur, un berger qui abandonne quatre-vingt-dix-neuf brebis pour en chercher une autre… C’est ainsi en effet que se réalise la reconciliatio oppositorum qu’est venu prêcher et synthétiser en lui-même Celui qui est extraordinairement ordinaire : le Fils de Dieu qui est Fils de l’Homme. »[2]

« Nous voulons voir Jésus ! » (Jn 12, 21) C’est la demande faite à Philippe dans l’évangile de saint Jean. C’est aussi ce qui peut résonner dans le cœur des prédicateurs dans la simplicité et la foi.

[1] Congrégation pour le culte divin et la Discipline, Directoire sur l’homélie, Paris, Les éditions du Cerf, 2015, p. 14‑15.

[2] Nicolas Steeves, Gaetano Piccolo, Et moi, je te dis : imagine !, Paris, Les éditions du Cerf, 2018, p. 100.

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Biographie

Jean-François Guérin

Jean-François Guérin naquit à Loches au cœur de la Touraine le 25 juillet 1929 d’Albert Guérin et de Camille Linard, charcutiers dans cette ville ; il fut baptisé le 9 mars 1930 dans la collégiale Saint-Ours sous le prénom de Jean. Ses deux parents sont originaires d’Artannes-sur-Indre où il suivit sa première scolarité, dans une famille qui n’était pas particulièrement marquée par la foi.

Installé chez sa mère à Paris, il s’ouvrit de sa vocation à un prêtre de Versailles. C’est pourquoi, contre l’avis de sa famille, il entra au séminaire de Versailles, en 1949, à vingt ans. Les premières années de sa formation furant vraiment fondatrices pour lui, marquées par la forte spiritualité sacerdotale enseignée par les formateurs sulpiciens. Ces années furent coupées par son temps de service militaire en Tunisie et marquées par le décès de son père. Premier tournant dans son itinéraire : il décida de quitter Versailles pour revenir à Tours, puis il intégra le Séminaire français de Rome et, le 29 juin 1955, il fut ordonné prêtre en la cathédrale Saint-Gatien par Mgr Gaillard.

D’abord vicaire à la cathédrale de Tours, il fut nommé aumônier des lycées Descartes, Balzac et Grandmont à Tours où sa santé souffre un peu de l’intensité de son engagement auprès des jeunes. Souvent il les emmena à Fontgombault, une abbaye bénédictine qui eut une importance centrale dans sa vie et son sacerdoce : il en devint oblat en 1961. Quittant Tours, il fut envoyé à Paris pour des études de droit canonique, qu’il commença en 1965.  Pendant ces études, il était aussi confesseur à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, où il fut inspiré par les intuitions ecclésiales et missionnaires de Monseigneur Charles, recteur de la Basilique, avec lequel se créa une amitié. Les études terminées, il devint délégué général de l’Œuvre d’Orient en 1968 et garda cette charge, qui consistait à recueillir des fonds pour aider les écoles, dispensaires et œuvres caritatives dans les paroisses de toute la France, jusqu’en 1975.

À Paris, son ministère se déployait entre l’œuvre d’Orient, la mission de chapelain au Sacré Cœur et un ministère qui se dessina peu à peu auprès d’étudiants, hommes et femmes, qui le rejoignirent bientôt pour une heure d’adoration silencieuse mensuelle, à Montmartre. De ce silence, naquit l’idée d’une messe hebdomadaire en 1968. Elle est célébrée à la chapelle du Bon Secours, rue Notre-Dame-des-Champs, chapelle toute proche des bureaux de l’Œuvre d’Orient. L’abbé Guérin entendait donner à ces jeunes gens une solide formation centrée sur la vie intérieure, la vie sacramentelle, sur le discernement des vocations, mariage, sacerdoce, vie religieuse. Son action apostolique auprès de ce groupe comprendra aussi des camps – un mélange entre retraite et vacances, ce qui donna naissance aux futurs « Routes Saint-Martin ». Mais dans le temps de la réforme liturgique, il leur transmit aussi sa docilité envers les décisions du Concile et du Pape, face à certains qui ne veulent rien entendre sur le nouveau missel promulgué par le Pape Paul VI.

Proche des moines bénédictins de Fontgombault et des Sœurs Servantes des Pauvres, l’abbé Guérin accompagna des jeunes vers des vocations religieuses, contemplatives et apostoliques. Mais, plusieurs jeunes gens lui partagèrent leur désir de devenir prêtres diocésains. En février 1976, le cardinal Siri, archevêque de Gênes et Dom Jean Roy, Père Abbé de Fontgombault, se rencontrèrent à Rome où ce dernier demanda au cardinal s’il est possible d’accueillir des amis français à Gênes. L’accord fut immédiat : les études au séminaire seraient gratuites et un couvent capucin situé à dix-sept kilomètres du centre-ville serait mis à leur disposition. C’est alors que le 1er novembre 1976, commença la Communauté Saint-Martin par un cours intensif en italien ; suivirent les travaux à entreprendre au couvent de Voltri qui est en très mauvais état. Les années italiennes furent celles de la fondation, avec l’appui constant du cardinal Giuseppe Siri, qui, à sa démission, nomma l’abbé Guérin chanoine d’honneur de sa cathédrale.

L’année 1993 fut celui du retour en France, pour les membres de la Communauté. Aidé par les premiers membres, l’abbé Guérin guida cette installation à Candé-sur-Beuvron, dans le diocèse de Blois. Ce furent des années plus difficiles, marquées par différents problèmes de santé. L’abbé Guérin fut de plus en plus secondé. En février 2004, il présenta sa démission. Demeuré à Candé, il fut rappelé à Dieu le 21 mai 2005. Après ses obsèques à la cathédrale Saint-Louis de Blois, il fut inhumé au cimetière d’Artannes-sur-Indre, son village natal.

Le 18 juillet 2024, un communiqué faisant état des conclusions du rapport de la visite pastorale a révélé des faits reprochés par plusieurs anciens membres de la communauté à l’abbé Guérin. Nous entendons avec douleur la souffrance que certains ont pu exprimer auprès des visiteurs et allons effectuer courageusement ce travail de relecture qui permettra de faire évoluer cette page. Afin de recueillir la parole des personnes qui souhaiteraient se manifester, vous pouvez contacter, au nom de Mgr Matthieu Dupont qui a été nommé assistant apostolique de la communauté, la Cellule d’écoute des diocèses des Pays-de-Loire à l’adresse suivante : paroledevictimespaysdeloire@gmail.com

Biographie

Don Paul Préaux

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Don Paul Préaux, né le 6 octobre 1964 à Laval (Mayenne), rentre au séminaire de la Communauté Saint-Martin alors installée à Voltri (diocèse de Gênes, Italie) en 1982. Il est ordonné diacre en avril 1988 à Saint Raphaël (Var) par le cardinal Siri et obtient son baccalauréat de philosophie et de théologie. L’année suivante, le 4 juillet, il est ordonné prêtre à Gênes par le cardinal Canestri.

En 1990, don Paul obtient une licence canonique de théologie dogmatique à Fribourg (Suisse) et devient responsable de la maison de formation de Voltri. Il est envoyé à Rome en 1992 pour l’année d’habilitation au doctorat et commence ensuite sa thèse.

Nommé, en 1995, chapelain au sanctuaire de Notre-Dame de Montligeon (Orne), il devient recteur de ce sanctuaire consacré à la prière pour les défunts, charge qu’il occupera jusqu’à son élection comme Modérateur général de la Communauté Saint-Martin. Pendant cette période, don Paul est également membre du conseil presbytéral du diocèse de Sées pendant six ans et secrétaire du même conseil pendant 3 ans.

Docteur en théologie en 2005, don Paul est l’auteur d’une thèse sur Les fondements ecclésiologiques du Presbytérium selon le concile Vatican II et la théologie post-conciliaire. Enseignant la théologie dogmatique à l’École de théologie de la Communauté, depuis 1993, il intervient également dans différents lieux d’enseignement, comme le Centre d’études théologiques de Caen. Il est également sollicité pour prêcher des retraites et intervenir dans différents diocèses et communautés, notamment des thèmes de la spiritualité sacerdotale et de l’espérance chrétienne, sur lesquels il a publié des ouvrages.  Renvoi à la page de ses publications.

Le 26 avril 2010, don Paul Préaux est élu Modérateur général de la Communauté Saint-Martin et réélu en 2016 à cette charge pour un nouveau mandat de six ans. Il est à nouveau élu à cette charge en 2022 pour un dernier mandat.