Elle a su résister aux assauts de la sécularisation – plus de 40% des Français l’installent chez eux ! –, elle parvient chaque année à susciter articles de presse et polémiques lorsqu’elle s’installe dans les lieux publics et elle souffle cette année ses 800 bougies : la crèche est l’invitée incontournable de ces fêtes de Noël.
C’est en 1223, au terme d’une année assez éprouvante pour lui, que saint François d’Assise décide de monter une saynète assez rudimentaire à Greccio, un bourg fortifié niché au cœur de l’Italie. Pour la célébration de la Nativité, on conduit un bœuf et un âne dans une grotte, on y dispose une mangeoire et un peu de paille. Les habitants des environs affluent ; François, qui est diacre, chante l’Évangile et prêche au cours de la messe. La jubilation, la paix et l’émotion ressenties en cette fête de Noël sont telles que le Pauvre d’Assise est désormais considéré – à tort ou à raison – comme l’inventeur de la crèche.
Depuis, la crèche n’a cessé de prendre des formes différentes : crèches napolitaines aux atours et vêtements somptueux ou humbles crèches domestiques confectionnées en papier ; crèches provençales avec ses multiples figurines réalisées en série par les artisans santonniers de Marseille, Aix et Aubagne ou crèches réduites à quelques personnages : chacune d’entre elles a son style, sa marque. Mais toutes nous renvoient au mystère du Dieu fait homme, toutes nous invitent à ne pas rester au seuil du mystère contemplé : chaque crèche est comme une scène sur laquelle nous avons à faire notre entrée.
Pour cela, nul besoin de jouer un rôle de composition ou de porter un masque ; ces faux-semblants se dissipent à la lumière de l’Enfant-Dieu. D’ailleurs, à Greccio, il y a 800 ans, il n’y avait personne pour jouer Joseph, Marie ou les bergers. Les habitants comprirent qu’ils étaient, eux, les véritables protagonistes de l’insolite crèche montée par François. Dans les crèches provençales, au contraire, les santons – « les petits saints » en provençal – se démultiplient ; mais l’esprit est le même : par ces santons qui figurent le meunier, le boulanger, la paysanne ou le « boumian », toute la société du village s’avance vers l’enfant de Bethléem. En ce Noël 2023, faisons à notre tour notre entrée dans la crèche.
Nos pas sont peut-être résolus comme ceux de Joseph, fatigués comme ceux de Marie, hésitants comme ceux du petit berger, qu’importe, entrons ! Entrons chargés de nos rêves et de nos espoirs, chargés aussi de nos désillusions et de nos échecs. Déposons ces joies et ces fardeaux au pied de la mangeoire et laissons résonner en nous les paroles autrefois annoncées par l’ange : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. » Luc 2, 10-11
Par l’humilité de la crèche, redécouvrons émerveillés la proximité de Dieu avec chacun d’entre nous. Bonne et sainte fête de Noël !
don Bertrand Lesoing +
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