Lectio divina – Vendredi Saint 2023

Is.52, 13-53, 12 // He.4, 14-16 – 5, 7-9 // Jn.18, 1-19, 42

Ez 37, 12-14 // Rm 8, 8-11 // Jn 11, 1-45

Je ne vous apprendrai rien en disant que la Croix est un mystère. Vous aurez remarqué qui est le grand présent à côté de Jésus, dans le récit de la Passion : c’est Pierre ; Pierre qui Le trahit et qui sera absent à la Croix. Il y a dans cette attitude de Pierre toute la signification paradoxale, complexe, ambivalente du mystère de la Croix qui est un mystère d’ombre et de lumière.

« Judas sortit, il faisait nuit. »

L’ombre de la croix c’est l’obscurité du péché qui semble s’y rassembler et même s’y coller dessus. C’est la nuit obscure de tous les péchés de tous les hommes de tous les temps, que Judas en un instant rassembla : « Judas sortit, il faisait nuit. »

Voilà la nuit, voilà la nuit de ma trahison, de mes péchés déjà présents dans l’Iscariote et qui entraînent la mort.

Ma propre mort parce que comme Judas je sors (de moi-même), j’abandonne ma vocation d’homme, d’enfant de Dieu, je me décrée, je me suicide moralement, spirituellement quelquefois, physiquement aussi, hélas…

Et ma propre mort va entraîner la mort du Christ par cette solidarité en humanité qu’Il a voulu prendre : ma blessure Le déchire, ma blessure est Son meurtre : « L’un de vous va me livrer. » Et ce n’est pas seulement de Judas dont Il parle !

« L’un de vous va me livrer. »

Voilà la chronique de la mort annoncée par Jésus, -pas plus tard qu’hier au Jeudi Saint- et réalisée par les péchés de ma vie.

Et puis, aussi curieux que cela puisse paraître aujourd’hui, trouant cette nuit épaisse, opaque, lourde, étouffante, comme nous essayons de la représenter dans la Liturgie, il y a la lumière, la lumière du corps de Jésus sur la croix.

Je suis sûr que vous le voyez, ce corps, malgré le voile qui recouvre la Croix, ce corps translucide à nos regards car son oblation le rend diaphane à côté de nos lourdeurs, le rend ineffable à côté de ces romans sur nous-mêmes que nous n’arrêtons pas de raconter les uns aux autres pour se dire, pour nous dire et nous faire plaindre… Ineffable, comme en devenir de disparition… De résurrection ?

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

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« Des fleuves d’eau vive couleront de son sein… »

Ce corps offert que nous allons embrasser tout à l’heure sur la Croix, ce corps qui parle, même dans le silence de la mort, ce corps qui verse telle et telle goutte d’eau sur notre âme sèche, pour la faire grandir, revivre jusqu’à la porter à maturité tout au tong de nos années, pour la mener au fleurissement, pour la lancer dans l’éternité, pour l’accompagner dans son voyage ultime, c’est le corps que nous regardons lorsque nous sommes en désespérance, nous tournant vers le Crucifix c’est-à-dire la Croix et le corps, le corps calqué sur la Croix, la lumière au-dessus de l’ ombre…

Oui ce corps est vraiment le corps de la Lumière de la Vie. C’est le corps de la Lumière de la Vie par l’eau qui jaillit du cœur transpercé par la lance et qui va arroser le jardin de la Résurrection, qui va arroser le monde et l’irriguer pour en faire comme un nouvel Éden.

« Quiconque est de la vérité écoute ma voix ! »

Cette eau lumineuse nous rappelle les larmes de Pierre. Et pourquoi cette eau nous rappelle-t-elle les larmes de Pierre en lesquelles sont rassemblés, contenus tous les repentirs de tous les hommes de tous les temps : ceux des plus grands pécheurs comme ceux des plus grands saints, ceux des condamnés à mort, ceux de saint Augustin, de la Madeleine ou de Matthieu… pourquoi ?

Parce que cette eau qui sort du cœur appelle ces larmes !

Regardons et suivons Pierre qui accompagne le Maître tout en Le laissant dans ces quelques heures : pourquoi pleure-t-il tout à coup ? N’a-t-il pas posé la question comme Judas hier à la Cène : « L’un de vous va me livrer. -Est-ce moi Seigneur ? » Et le Christ aurait pu dire oui…

Comme Judas sortant du Cénacle, Pierre n’est-il pas sorti de la maison de Caïphe comme pour fuir, à l’instar de Judas, la proximité du Maître ?

N’a-t-il pas finalement trahi comme Judas ? « Non je ne connais pas cet homme » au moment même où Jésus déclare : « Je suis venu pour la vérité, quiconque est de la vérité écoute ma voix » Et à ce moment-là Pierre sort et l’abandonne…

« Ceci est mon corps livré pour vos péchés

Qu’est-ce qui a pu faire changer le cœur de Pierre ? Qu’est-ce qui a pu le convertir, le faire passer du péché au repentir, des ténèbres à la lumière, de la trahison à l’oblation ?

La mémoire bien sûr ! La mémoire de paroles bien précises que Pierre venait d’entendre il y a quelques heures à peine, au Cénacle : « Voici mon corps livré pour les péchés. » Et Pierre comprend…

Pierre est touché, non par ce que les théologiens décrivent à juste raison comme l’Amour infini de Dieu : l’Éternel, le Tout-Puissant, l’Amour… Pierre n’est pas un théologien, Pierre est un pêcheur, autrement dit et sans mépris, un rustaud, qu’on reconnaît à son accent.

Ce qui touche Pierre c’est l’application concrète de cet Amour de Jésus à sa personne parce qu’il comprend que lorsque Jésus dit ces paroles : « Ceci est mon corps livré pour vos péchés », Jésus sait que Pierre va Le livrer, que Pierre va Le trahir. Malgré cela, Jésus sachant cette prochaine trahison de Pierre, et le regardant dans les yeux, pendant qu’Il donne la bouchée à Judas, dit : « Voici, ceci est mon corps livré pour les péchés du monde ! »

Voilà l’application concrète sur la personne de Pierre, sur son cœur, sur son corps, sur son esprit, sur tout ce qu’il est de cet Amour du Seigneur qui l’aime, qui l’a aimé de toute éternité et qui l’aimera jusqu’à la fin ; qui l’aime dans sa vie, cette vie qu’il ne peut donc pas quitter puisque c’est là qu’il rencontre l’Amour de Jésus !

Alors que Judas justement, ne se souvenant pas de ces paroles bénies, va quitter la vie dans un geste de désespoir, Pierre ne peut pas la quitter parce qu’il sait que c’est là que se fait la rencontre ineffable de l’Amour, malgré les trahisons, avec les trahisons, au-delà des trahisons !

« Voici mon sang versé pour les péchés du monde. »

« Voici mon sang versé pour les péchés du monde. » Ces paroles, Pierre les a entendues, encore une fois, pas de son oreille de théologien, mais de son oreille de simple chrétien c’est-à-dire de compagnon du Christ. Pierre les a entendues, il a reçu, il a retenu, il a ensemencé, fécondé dans son cœur ces paroles que Judas, lui, a oubliées, que Judas n’a même pas entendues parce qu’il était déjà ailleurs, préoccupé par quelque chose, quelque souci, on ne sait pas… Il est passé à côté, comme nous tant de fois !

Et Pierre ayant ensemencé ces paroles dans son cœur fait jaillir des larmes qui ne le mènent pas au désespoir, au dégoût à la mort, mais qui l’amènent à la vraie Vie, cette Vie remplie de la tendresse du Maître. Et il entend déjà dans son cœur retentir les paroles de Jésus que nous entendrons bientôt, dans la lumière du matin de Pâques : « Pierre m’aimes-tu ? »

« Pierre m’aimes-tu ? »

Voyez-vous, Pierre pour cette conversion, pour ce retournement de lumière, n’avait en mémoire que les paroles de son Maître qu’il venait d’entendre. Nous, nous avons plus que les paroles, nous avons les faits ! Nous avons l’Acte, nous avons la Croix !

Nous avons la représentation de la Croix chaque dimanche dans l’Eucharistie pour nous appeler au repentir !

Pour nous appeler à la conversion du cœur.

Pour nous appeler à la joie de la miséricorde.

Pour nous appeler à entrer dans la Vie !

Pour nous appeler à mettre notre âme, dans laquelle sont présentes notre foi, notre espérance et notre charité, sous la Fontaine lumineuse de la Vie !

Mieux encore, nous avons : la foi même de Jésus au moment où Il meurt : « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Sans oublier l’espérance de Jésus au moment où, du calvaire, Il surplombe Jérusalem : « Entre tes mains je remets mon esprit. »

Et bien plus encore : la charité de Jésus au moment où Il donne Sa vie pour tous les pécheurs du monde : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Mgr Jean-Marie Le Gall – Communauté Saint Martin

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Qu’est ce qu’une lectio divina ?

Une lectio divina est un commentaire biblique sous le mode d’une lecture spirituelle et priante. C’est une méditation sur les textes de l’Écriture Sainte proposés par l’Église pour la Messe du jour.

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Biographie

Jean-François Guérin

Jean-François Guérin naquit à Loches au cœur de la Touraine le 25 juillet 1929 d’Albert Guérin et de Camille Linard, charcutiers dans cette ville ; il fut baptisé le 9 mars 1930 dans la collégiale Saint-Ours sous le prénom de Jean. Ses deux parents sont originaires d’Artannes-sur-Indre où il suivit sa première scolarité, dans une famille qui n’était pas particulièrement marquée par la foi.

Installé chez sa mère à Paris, il s’ouvrit de sa vocation à un prêtre de Versailles. C’est pourquoi, contre l’avis de sa famille, il entra au séminaire de Versailles, en 1949, à vingt ans. Les premières années de sa formation furant vraiment fondatrices pour lui, marquées par la forte spiritualité sacerdotale enseignée par les formateurs sulpiciens. Ces années furent coupées par son temps de service militaire en Tunisie et marquées par le décès de son père. Premier tournant dans son itinéraire : il décida de quitter Versailles pour revenir à Tours, puis il intégra le Séminaire français de Rome et, le 29 juin 1955, il fut ordonné prêtre en la cathédrale Saint-Gatien par Mgr Gaillard.

D’abord vicaire à la cathédrale de Tours, il fut nommé aumônier des lycées Descartes, Balzac et Grandmont à Tours où sa santé souffre un peu de l’intensité de son engagement auprès des jeunes. Souvent il les emmena à Fontgombault, une abbaye bénédictine qui eut une importance centrale dans sa vie et son sacerdoce : il en devint oblat en 1961. Quittant Tours, il fut envoyé à Paris pour des études de droit canonique, qu’il commença en 1965.  Pendant ces études, il était aussi confesseur à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, où il fut inspiré par les intuitions ecclésiales et missionnaires de Monseigneur Charles, recteur de la Basilique, avec lequel se créa une amitié. Les études terminées, il devint délégué général de l’Œuvre d’Orient en 1968 et garda cette charge, qui consistait à recueillir des fonds pour aider les écoles, dispensaires et œuvres caritatives dans les paroisses de toute la France, jusqu’en 1975.

À Paris, son ministère se déployait entre l’œuvre d’Orient, la mission de chapelain au Sacré Cœur et un ministère qui se dessina peu à peu auprès d’étudiants, hommes et femmes, qui le rejoignirent bientôt pour une heure d’adoration silencieuse mensuelle, à Montmartre. De ce silence, naquit l’idée d’une messe hebdomadaire en 1968. Elle est célébrée à la chapelle du Bon Secours, rue Notre-Dame-des-Champs, chapelle toute proche des bureaux de l’Œuvre d’Orient. L’abbé Guérin entendait donner à ces jeunes gens une solide formation centrée sur la vie intérieure, la vie sacramentelle, sur le discernement des vocations, mariage, sacerdoce, vie religieuse. Son action apostolique auprès de ce groupe comprendra aussi des camps – un mélange entre retraite et vacances, ce qui donna naissance aux futurs « Routes Saint-Martin ». Mais dans le temps de la réforme liturgique, il leur transmit aussi sa docilité envers les décisions du Concile et du Pape, face à certains qui ne veulent rien entendre sur le nouveau missel promulgué par le Pape Paul VI.

Proche des moines bénédictins de Fontgombault et des Sœurs Servantes des Pauvres, l’abbé Guérin accompagna des jeunes vers des vocations religieuses, contemplatives et apostoliques. Mais, plusieurs jeunes gens lui partagèrent leur désir de devenir prêtres diocésains. En février 1976, le cardinal Siri, archevêque de Gênes et Dom Jean Roy, Père Abbé de Fontgombault, se rencontrèrent à Rome où ce dernier demanda au cardinal s’il est possible d’accueillir des amis français à Gênes. L’accord fut immédiat : les études au séminaire seraient gratuites et un couvent capucin situé à dix-sept kilomètres du centre-ville serait mis à leur disposition. C’est alors que le 1er novembre 1976, commença la Communauté Saint-Martin par un cours intensif en italien ; suivirent les travaux à entreprendre au couvent de Voltri qui est en très mauvais état. Les années italiennes furent celles de la fondation, avec l’appui constant du cardinal Giuseppe Siri, qui, à sa démission, nomma l’abbé Guérin chanoine d’honneur de sa cathédrale.

L’année 1993 fut celui du retour en France, pour les membres de la Communauté. Aidé par les premiers membres, l’abbé Guérin guida cette installation à Candé-sur-Beuvron, dans le diocèse de Blois. Ce furent des années plus difficiles, marquées par différents problèmes de santé. L’abbé Guérin fut de plus en plus secondé. En février 2004, il présenta sa démission. Demeuré à Candé, il fut rappelé à Dieu le 21 mai 2005. Après ses obsèques à la cathédrale Saint-Louis de Blois, il fut inhumé au cimetière d’Artannes-sur-Indre, son village natal.

Le 18 juillet 2024, un communiqué faisant état des conclusions du rapport de la visite pastorale a révélé des faits reprochés par plusieurs anciens membres de la communauté à l’abbé Guérin. Nous entendons avec douleur la souffrance que certains ont pu exprimer auprès des visiteurs et allons effectuer courageusement ce travail de relecture qui permettra de faire évoluer cette page. Afin de recueillir la parole des personnes qui souhaiteraient se manifester, vous pouvez contacter, au nom de Mgr Matthieu Dupont qui a été nommé assistant apostolique de la communauté, la Cellule d’écoute des diocèses des Pays-de-Loire à l’adresse suivante : paroledevictimespaysdeloire@gmail.com

Biographie

Don Paul Préaux

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Don Paul Préaux, né le 6 octobre 1964 à Laval (Mayenne), rentre au séminaire de la Communauté Saint-Martin alors installée à Voltri (diocèse de Gênes, Italie) en 1982. Il est ordonné diacre en avril 1988 à Saint Raphaël (Var) par le cardinal Siri et obtient son baccalauréat de philosophie et de théologie. L’année suivante, le 4 juillet, il est ordonné prêtre à Gênes par le cardinal Canestri.

En 1990, don Paul obtient une licence canonique de théologie dogmatique à Fribourg (Suisse) et devient responsable de la maison de formation de Voltri. Il est envoyé à Rome en 1992 pour l’année d’habilitation au doctorat et commence ensuite sa thèse.

Nommé, en 1995, chapelain au sanctuaire de Notre-Dame de Montligeon (Orne), il devient recteur de ce sanctuaire consacré à la prière pour les défunts, charge qu’il occupera jusqu’à son élection comme Modérateur général de la Communauté Saint-Martin. Pendant cette période, don Paul est également membre du conseil presbytéral du diocèse de Sées pendant six ans et secrétaire du même conseil pendant 3 ans.

Docteur en théologie en 2005, don Paul est l’auteur d’une thèse sur Les fondements ecclésiologiques du Presbytérium selon le concile Vatican II et la théologie post-conciliaire. Enseignant la théologie dogmatique à l’École de théologie de la Communauté, depuis 1993, il intervient également dans différents lieux d’enseignement, comme le Centre d’études théologiques de Caen. Il est également sollicité pour prêcher des retraites et intervenir dans différents diocèses et communautés, notamment des thèmes de la spiritualité sacerdotale et de l’espérance chrétienne, sur lesquels il a publié des ouvrages.  Renvoi à la page de ses publications.

Le 26 avril 2010, don Paul Préaux est élu Modérateur général de la Communauté Saint-Martin et réélu en 2016 à cette charge pour un nouveau mandat de six ans. Il est à nouveau élu à cette charge en 2022 pour un dernier mandat.