Chaque année, la liturgie de l’Église invite tous les fidèles à entrer à nouveau dans cette grande période du carême. Ce temps nous met à la suite du Christ d’une manière toute particulière, puisque nous sommes invités à le suivre dans sa Passion, et jusqu’à la Résurrection. C’est donc, par le carême, à un temps de conversion personnelle que l’Église nous invite.
« Voici venu le temps favorable… »
Mais pourquoi donc faut-il recommencer chaque année ? Chaque année l’Avent et Noël, chaque année Pâques… et donc chaque année le carême. Mais pourquoi ? L’Église, « experte en humanité » (S. Paul VI), prend au sérieux les rythmes humains que Dieu a lui-même instaurés, et les considère comme des moyens privilégiés pour ouvrir notre cœur à Sa présence en nous. C’est le sens de « l’Année liturgique » : « Elle déploie tout le mystère du Christ pendant le cycle de l’année, de l’Incarnation et la Nativité jusqu’à l’Ascension, jusqu’au jour de la Pentecôte, et jusqu’à l’attente de la bienheureuse espérance et de l’avènement du Seigneur. » Dès lors, « tout en célébrant ainsi les mystères de la Rédemption, elle ouvre aux fidèles les richesses de la puissance et des mérites de son Seigneur ; de la sorte, ces mystères sont en quelque manière rendus présents tout au long du temps, les fidèles sont mis en contact avec eux et remplis par la grâce du salut. » (Sacrosanctum Concilium n°102)
Quels sont donc les mystères propres que l’Église rend présents à ses fidèles pendant le carême ? Et quelles grâce appelle-t-elle sur eux par le contact avec ces mystères ?
« le carême est le temps par excellence où nous sont offerts les moyens d’orienter notre vie vers l’essentiel«
Les moyens du carême
Le mot « carême » vient du latin « quadragesima », « le quarantième » : c’est une période de quarante jours, dont le dernier, vers lequel tout converge, est Pâques.
Dans la Bible, le nombre quarante n’est jamais anodin : durant le carême, nous sommes ainsi invités à faire mémoire des quarante ans passés par le peuple hébreu dans le désert entre la sortie d’Égypte et l’entrée en terre promise, mais aussi des quarante jours passés par Jésus dans le désert entre son baptême par Jean et le début de sa mission publique. Autant dire qu’on ne peut entrer en carême sans entrer, d’une certaine manière, au désert.
Ce temps de désert, l’Église, à la suite de la Parole de Dieu, nous donne trois moyens concrets de le vivre :
- La pénitence : le mot de « pénitence », souvent mal compris, évoque ce que l’homme est capable de faire dans l’ordre d’une discipline pour se rapprocher de Dieu. Elle est donc un acte par amour et non en vue de la souffrance. Il arrive en effet, que dans une mortification volontaire de certains plaisirs (le jeûne), certains conforts, nous trouvions une joie différente : celle de donner de soi pour grandir en vue de Dieu.
- Le partage : dans l’injonction au partage, l’Église pousse les chrétiens à un décentrement. En retrouvant le sens de cette réalité que nous sommes « tous frères » (Pape François), nous sommes invités à contempler en l’autre les bienfaits dont Dieu l’a comblé, et à nous détacher du superflu pour donner sans compter à ceux qui en ont le plus besoin. En pointant ainsi l’attention accrue à notre prochain, le carême nous permet de grandir dans la pauvreté évangélique.
- La prière : La prière est l’âme du chrétien. Forte de cette certitude, l’Église enseigne que le carême est le temps favorable à l’adoration de Dieu dans un dépouillement de notre « moi » qui nous rapproche de Lui. C’est un temps préférentiel pour que notre vie devienne véritablement prière, en prenant concrètement la suite du Christ.
Pour résumer, nous pouvons dire que le carême est un temps destiné à la conversion (littéralement, « se tourner vers ») : il s’agit de se tourner vers Dieu, et pour cela d’ôter de notre vie ce qui nous éloigne de Lui.
Nous nous demandions initialement pourquoi recommencer chaque année le carême. La réponse apparaît ici : parce que le carême est le temps par excellence où nous sont offerts les moyens d’orienter notre vie vers l’essentiel, qui est l’amour du Christ. Par le carême qui culmine dans la Semaine Sainte et la célébration du Mystère Pascal, nous nous apprêtons à suivre Jésus dans le don de sa vie pour nous. Si nous voulons en recevoir des fruits pour notre propre vie, l’Église n’enseigne qu’un moyen : rendre son cœur disponible à cet amour infini. Le carême n’a pas d’autre finalité.