La décélération, une aubaine ?

Les décisions prises pour faire face à la crise sanitaire du Covid-19 ont eu pour effet de mettre « en pause » la vie économique et sociale. Un brutal coup d’arrêt qui met plus encore en relief le phénomène d’accélération qui caractérise nos sociétés post-modernes. Pour don Jean-Rémi, formateur au séminaire, il est temps de profiter de cette pause forcée pour faire un point sur notre façon de vivre.

D’où vient cette notion d’accélération et comment en comprendre les conséquences ?

Le pape François l’abordait déjà dans sa lettre-encyclique Laudato si’ en 2015 en utilisant le terme espagnol “rapidación” pour parler de « l’accélération continuelle des changements de l’humanité et de la planète » et de « l’intensification des rythmes de vie et de travail », en contraste avec la lenteur naturelle de l’évolution biologique.

Parmi ceux qui ont contribué à ce que ce terme d’accélération devienne une vraie notion sociologique et philosophique, il y a en particulier le sociologue et philosophe allemand contemporain, Hartmut Rosa, auteur de trois ouvrages majeurs : Accélération. Une critique sociale du temps ; Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive ; et Résonance. Une sociologie de la relation au monde. Pour lui, comprendre la modernité, c’est y voir un processus général d’accélération, qui touche à la fois au rythme des innovations technologiques, à celui du changement social, et à celui du rythme de vie. Il définit la conséquence de cette accélération en reprenant une notion-clef de la pensée marxiste : l’aliénation. L’aliénation signifie, au sens étymologique, le processus par lequel une réalité nous devient étrangère.

Nous serions donc, en quelque sorte, devenus étrangers à notre propre monde ?

Avec l’aliénation à laquelle l’accélération donne lieu, ce sont plusieurs réalités qui nous deviennent étrangères. D’abord, les lieux, car quelqu’un qui change de lieu à un rythme accéléré n’a pas le temps de le transformer en « chez soi ». Ensuite, les choses, car on ne peut s’approprier des objets qui sont remplacés par d’autres à un rythme toujours plus rapide. Après cela, les activités, qui, parce qu’elles demandent du temps, sont accélérées, au point que nous ne les vivons plus vraiment. Enfin, soi-même et les autres : étant donné que le rapport à sa propre intériorité, ainsi que la relation profonde avec les autres demandent du temps, un temps que nous n’avons plus, la relation au monde en général s’appauvrit, et se réduit à des « contacts » éphémères et ponctuels, d’un sujet lui-même réduit à la surface de ses ressentis.

« C’est à nous de faire de nécessité vertu, de transformer une décélération subie en résonance choisie »

L’actuelle « mise en pause » forcée serait alors bénéfique pour sortir de cette aliénation ?

La situation actuelle, qui est une situation de brutale « décélération », semble à première vue offrir une occasion unique de se soustraire à toutes ces aliénations. Beaucoup y voient un moment inespéré de vérité écologique, de décroissance et de retour à un mode de vie plus humain. Mais peut-on vraiment voir dans ce temps de confinement une aubaine, quand il s’explique par un virus qui continue à faire des ravages, quand il implique une restriction inédite de la liberté d’aller et de venir, et quand il sera suivi d’une crise économique et sociale d’une ampleur qu’il est difficile, déjà, de surestimer.

Hartmut Rosa rappelle à ce sujet que ce n’est pas parce que l’accélération est selon lui source d’aliénation que la solution se trouve dans la décélération. Selon lui, elle se situe plutôt dans des expériences de résonance, dont il a magistralement exposé les tenants et les aboutissant dans Résonance. Une sociologie de la relation au monde. La décélération est peut-être une condition de la solution, mais une condition seulement, et non une cause. Et le moins que l’on puisse dire est que la fabuleuse décélération actuelle n’a rien à voir avec la moindre tentative de solution à quoi que ce soit, au moins parce qu’elle ne trouve pas son origine dans la moindre tentative de retrouver notre relation au monde.

Si décélération il y a eu, c’est qu’elle a été forcée. Or un arrêt en urgence ne dit rien sur ce qui viendra après : peut-être le véhicule reprendra-t-il à la même vitesse qu’avant, peut-être reviendra-t-il à une forme de sagesse. Il en va de même pour cette période de confinement : nous aura-t-elle fait goûter aux vertus de la contemplation, ou aura-t-elle renforcé notre addiction aux écrans ? Nous aura-t-elle initiés aux bienfaits de la slow-life, ou nous aura-t-elle, à l’inverse, livrés à la frénésie du gaming, du high-speed connection et du speed-watching ? La décélération globale n’apporte pas d’elle-même la fin de nos aliénations individuelles.

C’est à nous de faire de nécessité vertu, de transformer une décélération subie en résonance choisie. Une belle aventure pour le jour d’après, pour des jours meilleurs ! Mais pourront-ils être meilleurs si nous-mêmes ne devenons pas meilleurs ? A nous de relever le défi !

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Biographie

Jean-François Guérin

Jean-François Guérin naquit à Loches au cœur de la Touraine le 25 juillet 1929 d’Albert Guérin et de Camille Linard, charcutiers dans cette ville ; il fut baptisé le 9 mars 1930 dans la collégiale Saint-Ours sous le prénom de Jean. Ses deux parents sont originaires d’Artannes-sur-Indre où il suivit sa première scolarité, dans une famille qui n’était pas particulièrement marquée par la foi.

Installé chez sa mère à Paris, il s’ouvrit de sa vocation à un prêtre de Versailles. C’est pourquoi, contre l’avis de sa famille, il entra au séminaire de Versailles, en 1949, à vingt ans. Les premières années de sa formation furant vraiment fondatrices pour lui, marquées par la forte spiritualité sacerdotale enseignée par les formateurs sulpiciens. Ces années furent coupées par son temps de service militaire en Tunisie et marquées par le décès de son père. Premier tournant dans son itinéraire : il décida de quitter Versailles pour revenir à Tours, puis il intégra le Séminaire français de Rome et, le 29 juin 1955, il fut ordonné prêtre en la cathédrale Saint-Gatien par Mgr Gaillard.

D’abord vicaire à la cathédrale de Tours, il fut nommé aumônier des lycées Descartes, Balzac et Grandmont à Tours où sa santé souffre un peu de l’intensité de son engagement auprès des jeunes. Souvent il les emmena à Fontgombault, une abbaye bénédictine qui eut une importance centrale dans sa vie et son sacerdoce : il en devint oblat en 1961. Quittant Tours, il fut envoyé à Paris pour des études de droit canonique, qu’il commença en 1965.  Pendant ces études, il était aussi confesseur à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, où il fut inspiré par les intuitions ecclésiales et missionnaires de Monseigneur Charles, recteur de la Basilique, avec lequel se créa une amitié. Les études terminées, il devint délégué général de l’Œuvre d’Orient en 1968 et garda cette charge, qui consistait à recueillir des fonds pour aider les écoles, dispensaires et œuvres caritatives dans les paroisses de toute la France, jusqu’en 1975.

À Paris, son ministère se déployait entre l’œuvre d’Orient, la mission de chapelain au Sacré Cœur et un ministère qui se dessina peu à peu auprès d’étudiants, hommes et femmes, qui le rejoignirent bientôt pour une heure d’adoration silencieuse mensuelle, à Montmartre. De ce silence, naquit l’idée d’une messe hebdomadaire en 1968. Elle est célébrée à la chapelle du Bon Secours, rue Notre-Dame-des-Champs, chapelle toute proche des bureaux de l’Œuvre d’Orient. L’abbé Guérin entendait donner à ces jeunes gens une solide formation centrée sur la vie intérieure, la vie sacramentelle, sur le discernement des vocations, mariage, sacerdoce, vie religieuse. Son action apostolique auprès de ce groupe comprendra aussi des camps – un mélange entre retraite et vacances, ce qui donna naissance aux futurs « Routes Saint-Martin ». Mais dans le temps de la réforme liturgique, il leur transmit aussi sa docilité envers les décisions du Concile et du Pape, face à certains qui ne veulent rien entendre sur le nouveau missel promulgué par le Pape Paul VI.

Proche des moines bénédictins de Fontgombault et des Sœurs Servantes des Pauvres, l’abbé Guérin accompagna des jeunes vers des vocations religieuses, contemplatives et apostoliques. Mais, plusieurs jeunes gens lui partagèrent leur désir de devenir prêtres diocésains. En février 1976, le cardinal Siri, archevêque de Gênes et Dom Jean Roy, Père Abbé de Fontgombault, se rencontrèrent à Rome où ce dernier demanda au cardinal s’il est possible d’accueillir des amis français à Gênes. L’accord fut immédiat : les études au séminaire seraient gratuites et un couvent capucin situé à dix-sept kilomètres du centre-ville serait mis à leur disposition. C’est alors que le 1er novembre 1976, commença la Communauté Saint-Martin par un cours intensif en italien ; suivirent les travaux à entreprendre au couvent de Voltri qui est en très mauvais état. Les années italiennes furent celles de la fondation, avec l’appui constant du cardinal Giuseppe Siri, qui, à sa démission, nomma l’abbé Guérin chanoine d’honneur de sa cathédrale.

L’année 1993 fut celui du retour en France, pour les membres de la Communauté. Aidé par les premiers membres, l’abbé Guérin guida cette installation à Candé-sur-Beuvron, dans le diocèse de Blois. Ce furent des années plus difficiles, marquées par différents problèmes de santé. L’abbé Guérin fut de plus en plus secondé. En février 2004, il présenta sa démission. Demeuré à Candé, il fut rappelé à Dieu le 21 mai 2005. Après ses obsèques à la cathédrale Saint-Louis de Blois, il fut inhumé au cimetière d’Artannes-sur-Indre, son village natal.

Le 18 juillet 2024, un communiqué faisant état des conclusions du rapport de la visite pastorale a révélé des faits reprochés par plusieurs anciens membres de la communauté à l’abbé Guérin. Nous entendons avec douleur la souffrance que certains ont pu exprimer auprès des visiteurs et allons effectuer courageusement ce travail de relecture qui permettra de faire évoluer cette page. Afin de recueillir la parole des personnes qui souhaiteraient se manifester, vous pouvez contacter, au nom de Mgr Matthieu Dupont qui a été nommé assistant apostolique de la communauté, la Cellule d’écoute des diocèses des Pays-de-Loire à l’adresse suivante : paroledevictimespaysdeloire@gmail.com

Biographie

Don Paul Préaux

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Don Paul Préaux, né le 6 octobre 1964 à Laval (Mayenne), rentre au séminaire de la Communauté Saint-Martin alors installée à Voltri (diocèse de Gênes, Italie) en 1982. Il est ordonné diacre en avril 1988 à Saint Raphaël (Var) par le cardinal Siri et obtient son baccalauréat de philosophie et de théologie. L’année suivante, le 4 juillet, il est ordonné prêtre à Gênes par le cardinal Canestri.

En 1990, don Paul obtient une licence canonique de théologie dogmatique à Fribourg (Suisse) et devient responsable de la maison de formation de Voltri. Il est envoyé à Rome en 1992 pour l’année d’habilitation au doctorat et commence ensuite sa thèse.

Nommé, en 1995, chapelain au sanctuaire de Notre-Dame de Montligeon (Orne), il devient recteur de ce sanctuaire consacré à la prière pour les défunts, charge qu’il occupera jusqu’à son élection comme Modérateur général de la Communauté Saint-Martin. Pendant cette période, don Paul est également membre du conseil presbytéral du diocèse de Sées pendant six ans et secrétaire du même conseil pendant 3 ans.

Docteur en théologie en 2005, don Paul est l’auteur d’une thèse sur Les fondements ecclésiologiques du Presbytérium selon le concile Vatican II et la théologie post-conciliaire. Enseignant la théologie dogmatique à l’École de théologie de la Communauté, depuis 1993, il intervient également dans différents lieux d’enseignement, comme le Centre d’études théologiques de Caen. Il est également sollicité pour prêcher des retraites et intervenir dans différents diocèses et communautés, notamment des thèmes de la spiritualité sacerdotale et de l’espérance chrétienne, sur lesquels il a publié des ouvrages.  Renvoi à la page de ses publications.

Le 26 avril 2010, don Paul Préaux est élu Modérateur général de la Communauté Saint-Martin et réélu en 2016 à cette charge pour un nouveau mandat de six ans. Il est à nouveau élu à cette charge en 2022 pour un dernier mandat.