Jalons pour une spiritualité martinienne

Le 11 février 2016

Jacques Fontaine dans son commentaire de la Vita Martini, écrite par Sulpice Sévère, tente une présentation de la spiritualité de saint Martin et de ses disciples d’aquitaine. Marquée par le contexte historique et la dimension fortement monastique, si cette spiritualité demande des réajustements adaptés à la vie actuelle, elle n’est pas sans trouver quelques échos dans la vie de la Communauté Saint Martin. Ce qui semble intéressant dans la présentation qu’en fait J.Fontaine, c’est la compatibilité de cette spiritualité du IV°s avec les grands courants mystiques postérieurs. Ainsi, par exemple, la vision « dramatique » du monde selon saint Martin se concilie tout à fait avec l’esprit ignatien , bénédictin ou thérésien.

Le contexte historique de la spiritualité martinienne.

Martin est un homme d’action et de prière. Sa formation s’est faite par la catéchèse, l’homélitique et la liturgie ainsi que par des contacts personnels, des « collations », avec saint Hilaire et d’autres. La spiritualité martinienne se présente en opposition avec divers courants hétérodoxes qui traversaient la Gaule comme le priscillianisme, l’origénisme, le novatianisme et l’illuminisme. Cela dans un contexte géopolitique où le christianisme devient religion d’état (379-381) entraînant un renforcement de la lutte anti-païenne et le développement du culte des martyrs (386). Dans l’Église, le monachisme se développe et les communautés chrétiennes doivent faire face à l’entrée massive des païens dans l’Église.

Genèse de cette spiritualité

Le fondement sur lequel se construit cette spiritualité, c’est le christianisme militant vécut par un laïc militaire. Au IVs, c’est parmi les militaires que l’ascétisme recrutera le plus. La vie militaire est comme le terrain naturel à l’exercice des vertus de « noviciat » : disponibilité, obéissance et pauvreté. On comprend l’émergence d’une spiritualité du soldat de Dieu. Martin sort de l’armée pour entrer presque immédiatement dans la cléricature et se retrouve brusquement jeté dans la résistance active à l’arianisme, ce qui renforcera sa spiritualité de soldat de Dieu. La méditation du martyre a été certainement pour Martin une donnée immédiate de son expérience spirituelle, elle renforce sa vocation ascétique. Son passage de la profession militaire à la vie monastique, de la cléricature à l’épiscopat s’opère sans heurts, du moins dans l’ordre intérieur, car il s’agit d’un approfondissement logique des exigences de la militia Dei. Martin cherche aussi l’imitation des moines d’orient dans ses combats spirituels tout en faisant alterner ce combat intérieur avec des périodes d’action. Sa solitude n’a jamais été totale.

Traits originaux du premier monachisme martinien

A travers la lecture des écrits sulpiciens on peut dégager quelques traits du monachisme martinien. Il apparaît différent du cénobitisme égyptien tout en étant rigoureusement organisé. Si l’ascétisme est très charismatique et peu hiérarchisé, il y a des temps de prières communes, des vigiles nocturnes, des rites d’accueil et d’hospitalité imités de l’Egypte. La formation des novices se fait autour d’un « abba » ancien disciple de Martin. L’histoire de Brice souligne l’existence d’une opposition de génération entre le pneumatisme de Martin et ses disciples lettrés. Petit à petit se développe une spiritualité apostolique et pastorale, signe de l’influence d’Hilaire de Poitiers. Mais si la spiritualité de Martin devient sacerdotale, elle ne cesse pas d’être ascétique. L’ascétisme est mis au service de l’annonce de la Parole. Par son originalité cette spiritualité va rencontrer l’opposition des confrères ecclésiastiques de Martin. Néanmoins équilibrée par sa richesse, une dans sa diversité, elle est tempérée dans son foisonnement intérieur par l’influence bénéfique d’Hilaire qui par la personne de Martin fut l’éducateur monastique de la Gaule romaine.

Caractéristique de cette spiritualité

On peut mettre en valeur quatre traits majeurs de la spiritualité martinienne :

– Le combat spirituel va revêtir plusieurs formes : duel personnel (rare), dimension charitable (arracher quelqu’un à Satan), lutte contre la fausse mystique, thaumaturgie fonctionnelle, exercice de la patience allant de la charité de compassion à l’humilité.

– Le monde est regardé avec une vision spirituelle dramatique. Il est aux prises avec Satan, d’où la nécessité d’une prière continue et ininterrompue, d’un discernement spirituel.

– La contemplation du Christ souffrant et humilié, la dévotion à la croix et la place des martyrs sont les thèmes principaux de la spiritualité de Martin.

– Le pneumatisme de Martin. Sa docilité à l’Esprit Saint lui fait accepter les échecs (le conflit avec l’empereur au sujet des priscilliens, la non conversion de ses parents, le conflit avec ses disciples…).

A condition de ne pas être lue trop vite, la Vita Martini demeure l’un des plus précieux, parce que le plus ancien, des manuels de spiritualité du monachisme occidental. Il se peut que les idées personnelles de Sulpice Sévère aient un peu interféré avec celles de celui qu’il considérait comme son maître spirituel et que certaines nuances qui n’étaient qu’implicites chez Martin aient été développées à l’extrême par notre auteur, cependant, comme le souligne J. Fontaine, le vrai visage spirituel de saint Martin n’a pas été trahi.

Mise en perspective

Qu’en est-il de cette spiritualité et de notre Communauté Saint Martin. Bien entendu la communauté saint Martin n’est pas une communauté monastique, mais sa référence au treizième apôtre montre que son charisme assume l’héritage communautaire et apostolique. Dès les commencements la communauté a été placée sous le patronage de deux saints, saint Martin, pour la dimension communautaire de la vie sacerdotale et saint Jean Baptiste pour la dimension ascétique. Les usages communautaires qui ont entourés dès les débuts les temps liturgiques de l’avent et du carême soulignent comment le style de vie sacerdotal au sein de la communauté est marqué par l’ascétisme comme expression du combat spirituel que tout un chacun se doit de mener pour se préparer à la vie pastorale. Nous savons que ces usages sont restés en vigueur dans les communautés locales. Si nous nous sentons en pleine harmonie avec le discours du Pape sur la nouvelle évangélisation face à une « culture contemporaine de mort », si pour nous la prière chorale est si importante pour alimenter notre ministère, c’est bien parce qu’au plus profond de notre fibre martinienne, le regard que nous portons sur le monde est le même que celui de Martin. L’exigence de la prière continue qui en découle, s’exprime pour nous dans la participation active et communautaire de la liturgie des heures, prière continuelle et ininterrompue de l’Eglise universelle. Nous savons aussi combien nous sommes marqués par la dévotion au Christ en croix. Le soin que nous mettons tous à nos célébrations du Triduum pascal n’est pas à démontrer. Pourquoi alors s’étonner que nous soyons confrontés aux mêmes défis et aux mêmes tentations que saint Martin tant dans notre ministère que dans notre vie de communauté ou personnelle. En relisant (lisant ?) la vie de saint Martin écrite par Sulpice Sévère pour y découvrir ou redécouvrir la spiritualité qu’elle exprime, en y confrontant ce que nous vivons communautairement et pastoralement, nous pouvons trouver matière à approfondir notre charisme martinien voire même une possibilité de le formaliser un peu plus.

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Biographie

Jean-François Guérin

Jean-François Guérin naquit à Loches au cœur de la Touraine le 25 juillet 1929 d’Albert Guérin et de Camille Linard, charcutiers dans cette ville ; il fut baptisé le 9 mars 1930 dans la collégiale Saint-Ours sous le prénom de Jean. Ses deux parents sont originaires d’Artannes-sur-Indre où il suivit sa première scolarité, dans une famille qui n’était pas particulièrement marquée par la foi.

Installé chez sa mère à Paris, il s’ouvrit de sa vocation à un prêtre de Versailles. C’est pourquoi, contre l’avis de sa famille, il entra au séminaire de Versailles, en 1949, à vingt ans. Les premières années de sa formation furant vraiment fondatrices pour lui, marquées par la forte spiritualité sacerdotale enseignée par les formateurs sulpiciens. Ces années furent coupées par son temps de service militaire en Tunisie et marquées par le décès de son père. Premier tournant dans son itinéraire : il décida de quitter Versailles pour revenir à Tours, puis il intégra le Séminaire français de Rome et, le 29 juin 1955, il fut ordonné prêtre en la cathédrale Saint-Gatien par Mgr Gaillard.

D’abord vicaire à la cathédrale de Tours, il fut nommé aumônier des lycées Descartes, Balzac et Grandmont à Tours où sa santé souffre un peu de l’intensité de son engagement auprès des jeunes. Souvent il les emmena à Fontgombault, une abbaye bénédictine qui eut une importance centrale dans sa vie et son sacerdoce : il en devint oblat en 1961. Quittant Tours, il fut envoyé à Paris pour des études de droit canonique, qu’il commença en 1965.  Pendant ces études, il était aussi confesseur à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, où il fut inspiré par les intuitions ecclésiales et missionnaires de Monseigneur Charles, recteur de la Basilique, avec lequel se créa une amitié. Les études terminées, il devint délégué général de l’Œuvre d’Orient en 1968 et garda cette charge, qui consistait à recueillir des fonds pour aider les écoles, dispensaires et œuvres caritatives dans les paroisses de toute la France, jusqu’en 1975.

À Paris, son ministère se déployait entre l’œuvre d’Orient, la mission de chapelain au Sacré Cœur et un ministère qui se dessina peu à peu auprès d’étudiants, hommes et femmes, qui le rejoignirent bientôt pour une heure d’adoration silencieuse mensuelle, à Montmartre. De ce silence, naquit l’idée d’une messe hebdomadaire en 1968. Elle est célébrée à la chapelle du Bon Secours, rue Notre-Dame-des-Champs, chapelle toute proche des bureaux de l’Œuvre d’Orient. L’abbé Guérin entendait donner à ces jeunes gens une solide formation centrée sur la vie intérieure, la vie sacramentelle, sur le discernement des vocations, mariage, sacerdoce, vie religieuse. Son action apostolique auprès de ce groupe comprendra aussi des camps – un mélange entre retraite et vacances, ce qui donna naissance aux futurs « Routes Saint-Martin ». Mais dans le temps de la réforme liturgique, il leur transmit aussi sa docilité envers les décisions du Concile et du Pape, face à certains qui ne veulent rien entendre sur le nouveau missel promulgué par le Pape Paul VI.

Proche des moines bénédictins de Fontgombault et des Sœurs Servantes des Pauvres, l’abbé Guérin accompagna des jeunes vers des vocations religieuses, contemplatives et apostoliques. Mais, plusieurs jeunes gens lui partagèrent leur désir de devenir prêtres diocésains. En février 1976, le cardinal Siri, archevêque de Gênes et Dom Jean Roy, Père Abbé de Fontgombault, se rencontrèrent à Rome où ce dernier demanda au cardinal s’il est possible d’accueillir des amis français à Gênes. L’accord fut immédiat : les études au séminaire seraient gratuites et un couvent capucin situé à dix-sept kilomètres du centre-ville serait mis à leur disposition. C’est alors que le 1er novembre 1976, commença la Communauté Saint-Martin par un cours intensif en italien ; suivirent les travaux à entreprendre au couvent de Voltri qui est en très mauvais état. Les années italiennes furent celles de la fondation, avec l’appui constant du cardinal Giuseppe Siri, qui, à sa démission, nomma l’abbé Guérin chanoine d’honneur de sa cathédrale.

L’année 1993 fut celui du retour en France, pour les membres de la Communauté. Aidé par les premiers membres, l’abbé Guérin guida cette installation à Candé-sur-Beuvron, dans le diocèse de Blois. Ce furent des années plus difficiles, marquées par différents problèmes de santé. L’abbé Guérin fut de plus en plus secondé. En février 2004, il présenta sa démission. Demeuré à Candé, il fut rappelé à Dieu le 21 mai 2005. Après ses obsèques à la cathédrale Saint-Louis de Blois, il fut inhumé au cimetière d’Artannes-sur-Indre, son village natal.

Le 18 juillet 2024, un communiqué faisant état des conclusions du rapport de la visite pastorale a révélé des faits reprochés par plusieurs anciens membres de la communauté à l’abbé Guérin. Nous entendons avec douleur la souffrance que certains ont pu exprimer auprès des visiteurs et allons effectuer courageusement ce travail de relecture qui permettra de faire évoluer cette page. Afin de recueillir la parole des personnes qui souhaiteraient se manifester, vous pouvez contacter, au nom de Mgr Matthieu Dupont qui a été nommé assistant apostolique de la communauté, la Cellule d’écoute des diocèses des Pays-de-Loire à l’adresse suivante : paroledevictimespaysdeloire@gmail.com

Biographie

Don Paul Préaux

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Don Paul Préaux, né le 6 octobre 1964 à Laval (Mayenne), rentre au séminaire de la Communauté Saint-Martin alors installée à Voltri (diocèse de Gênes, Italie) en 1982. Il est ordonné diacre en avril 1988 à Saint Raphaël (Var) par le cardinal Siri et obtient son baccalauréat de philosophie et de théologie. L’année suivante, le 4 juillet, il est ordonné prêtre à Gênes par le cardinal Canestri.

En 1990, don Paul obtient une licence canonique de théologie dogmatique à Fribourg (Suisse) et devient responsable de la maison de formation de Voltri. Il est envoyé à Rome en 1992 pour l’année d’habilitation au doctorat et commence ensuite sa thèse.

Nommé, en 1995, chapelain au sanctuaire de Notre-Dame de Montligeon (Orne), il devient recteur de ce sanctuaire consacré à la prière pour les défunts, charge qu’il occupera jusqu’à son élection comme Modérateur général de la Communauté Saint-Martin. Pendant cette période, don Paul est également membre du conseil presbytéral du diocèse de Sées pendant six ans et secrétaire du même conseil pendant 3 ans.

Docteur en théologie en 2005, don Paul est l’auteur d’une thèse sur Les fondements ecclésiologiques du Presbytérium selon le concile Vatican II et la théologie post-conciliaire. Enseignant la théologie dogmatique à l’École de théologie de la Communauté, depuis 1993, il intervient également dans différents lieux d’enseignement, comme le Centre d’études théologiques de Caen. Il est également sollicité pour prêcher des retraites et intervenir dans différents diocèses et communautés, notamment des thèmes de la spiritualité sacerdotale et de l’espérance chrétienne, sur lesquels il a publié des ouvrages.  Renvoi à la page de ses publications.

Le 26 avril 2010, don Paul Préaux est élu Modérateur général de la Communauté Saint-Martin et réélu en 2016 à cette charge pour un nouveau mandat de six ans. Il est à nouveau élu à cette charge en 2022 pour un dernier mandat.