L’esprit de famille de Saint Martin

Dans le livre de l’Apocalypse que nous venons d’entendre, nous lisons : « Moi Jean, j’ai vu une porte ouverte dans le Ciel ». Cette porte s’ouvre chaque fois que nous célébrons le sacrifice eucharistique. Le Pape Jean-Paul II écrivait dans sa dernière Encyclique sur l’Eucharistie : « C’est un aspect de l’Eucharistie qui mérite d’être souligné: en célébrant le sacrifice de l’Agneau, nous nous unissons à la liturgie céleste, nous associant à la multitude immense qui s’écrie: « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau! » (Ap 7, 10). L’Eucharistie est vraiment un coin du ciel qui s’ouvre sur la terre! C’est un rayon de la gloire de la Jérusalem céleste, qui traverse les nuages de notre histoire et qui illumine notre chemin. » (n. 19).

Aujourd’hui à travers la Présence réelle du Christ, le Seul Saint (tu solus sanctus), nous voyons apparaître la figure de S. Martin. Il va nous manifester sa sollicitude, sa charité encore mieux, dirai-je, que durant sa vie sur terre ; il va manifester sa charité pour tous ses fils réunis. C’est sur cette «quatrième » charité de S. Martin que je vous invite à méditer. En effet, nous ne pouvons pas le réduire à une figure illustre du passé. Il n’appartient pas seulement au ‘trésor’ de l’histoire. Ces fameuses trois charités ne sont pas seulement des modèles, définitivement figées dans les musées de la mémoire humaine. Aujourd’hui, nous le croyons, il est vivant, embrasé de l’amour de Dieu. Nous pouvons lui appliquer ce que dit la liturgie à propos de l’Esprit Saint dans l’hymne de Tierce : « flammescat igne caritas, accendat ardor proximos ». Brûler de l’amour divin! Il va allumer en nous, ses proches, ses fils, le feu de la charité. Dans la Ière préface des saints, après avoir rappelé le rôle des saints à notre égard, nous prions :

Dans la communion avec saint Martin, nous avons une famille !

Tout d’abord, il est important de noter que le grand désir de saint Martin – celui qui marque au fonds toute sa vie spirituelle- est d’accomplir en tout, le plus docilement, la volonté de Dieu : «non recuso laborem, fiat voluntas tua » chantons-nous dans l’Office divin de saint Martin. Or, dans l’Evangile, c’est justement à ce critère que se détermine la vraie parenté du Seigneur : « qui est ma mère, qui sont mes frères ? ce sont ceux qui accomplissent la volonté de mon Père », dit Jésus. Nous touchons là un aspect fondamental de la vie de l’Eglise. Dans l’Eglise, comme dans une famille naturelle ou spirituelle, on ne choisit pas ses frères et sœurs, ni bien sûr ses parents : on apprend à les recevoir dans l’amour et la gratitude. C’est tout un apprentissage, qui parfois demander beaucoup de patience. Mais c’est aussi une telle grâce ! Je vous invite à remercier le Seigneur d’avoir votre famille humaine et spirituelle. C’est une grande joie de faire partie d’une famille, dont chaque membre est voulu par le Seigneur pour notre bien. Chacun, en effet, est un trésor unique, voulu et créé par Dieu.

Il y aurait ici beaucoup de choses à dire. A l’école de saint Martin, nous voulons apprendre à aimer. Il a aimé « en acte et en vérité » parce que de façon presque constante, il était tournée vers le Christ et vers son Père. Le caractère habituel de sa prière nous est rendu par Sulpice Sévère décrivant Martin face à la mort : il a le regard tendu vers les réalités d’en haut, les yeux de son âme sont ouverts, leur acuité est le fruit d’une longue et persévérante habitude qui lui donne de regarder l’invisible comme nous voyons le visible. « Les yeux et les mains toujours tendus vers le ciel, l’âme invincible, il priait sans relâche » (Lettre à Bassula).

Avant d’être un évangélisateur, un fondateur de monastères et de paroisses, Martin a vécu la primauté absolue de la prière : «Impossible de peindre… cette puissance dans les veilles et les oraisons, ces nuits consacrées comme ses jours à la prière… Jamais Martin n’a laissé passé une heure, un moment sans se livrer à la prière ou s’absorber dans la lecture ; et encore, même en lisant ou faisant autre chose, jamais il ne cessait de prier Dieu. » (Vita XXVI).

Mais cette prière n’était pas un doux refuge, ni une évasion futile, encore moins une fuite des autres. Quoique ermite, à Ligugé, Martin se laisse déranger volontiers par les uns et les autres afin de répondre à leurs demandes, en particulier les miracles de guérison qui sont presque toujours des miracles de charité. Contrairement aux abbés orientaux, Martin ne refuse jamais le travail et sait sacrifier à bon escient sa solitude pour apporter le Christ. Ainsi on devine déjà ce qui sera le fil conducteur de toute sa vie : unité entre la solitude et la mission par amour des hommes.

Si nous voulons être fidèles à notre Patron, rien ne justifie de faire passer la prière au second plan. Elle est la source et le ciment de notre vie de famille, de notre fraternité. Dans la préface de S. Martin nous prions ainsi : « Lui qui aimait le Christ de toutes ses forces, son seul Maître ». Demandons à Martin d’aimer le Christ de toutes nos forces, comme lui-même l’a aimé, dans la fougue de l’Esprit Saint. Saint Martin fut d’abord un grand ami du Christ. Il vécut pour le Christ, avec lui et en lui. Il fut profondément enraciné dans l’amitié avec le Christ. Je souhaiterais que chaque frère puisse vivre très concrètement de cet amour inconditionnel, amour total, et puisse le faire rayonner dans sa vie et son ministère presbytéral ou diaconal.

Il faudrait aussi évoquer, même brièvement, sa vie eucharistique. Un globe de feu est apparu sur sa tête alors qu’il célébrait la Messe. Nous avons à découvrir « le mystère de l’Eucharistie – centre mystique du Christianisme – comme le lieu théologique où Dieu ne cesse de sortir de Lui-même et de nous attirer dans son étreinte » (cf. Cardinal Ratzinger). L’Eucharistie est lieu par excellence de la communion des saints. Ecclesia de Eucharistia vivit ! Si c’est vrai de l’Eglise, combien cela devrait être vrai de tout prêtre, spécialement de ceux qui sont sub signo Martini.

Une devise impressionnante, mais aussi exigeante ! Nous la voyons partout : sur l’en-tête de nos lettres officielles, sur le coffre de nos voitures, etc. Elle doit être écrite d’abord dans nos cœurs par l’Esprit Saint. Il faut accepter de souffrir pour vivre cette chirurgie non d’abord esthétique (encore que la charité nous rendent beaux), mais cette chirurgie christique, car la charité nous permet de ressembler au plus beau des enfants des hommes (cf. Rom 8, 29).

Je voudrais mentionner ici quelques caractéristiques, non exhaustives, de la charité martinienne :

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Biographie

Jean-François Guérin

Jean-François Guérin naquit à Loches au cœur de la Touraine le 25 juillet 1929 d’Albert Guérin et de Camille Linard, charcutiers dans cette ville ; il fut baptisé le 9 mars 1930 dans la collégiale Saint-Ours sous le prénom de Jean. Ses deux parents sont originaires d’Artannes-sur-Indre où il suivit sa première scolarité, dans une famille qui n’était pas particulièrement marquée par la foi.

Installé chez sa mère à Paris, il s’ouvrit de sa vocation à un prêtre de Versailles. C’est pourquoi, contre l’avis de sa famille, il entra au séminaire de Versailles, en 1949, à vingt ans. Les premières années de sa formation furant vraiment fondatrices pour lui, marquées par la forte spiritualité sacerdotale enseignée par les formateurs sulpiciens. Ces années furent coupées par son temps de service militaire en Tunisie et marquées par le décès de son père. Premier tournant dans son itinéraire : il décida de quitter Versailles pour revenir à Tours, puis il intégra le Séminaire français de Rome et, le 29 juin 1955, il fut ordonné prêtre en la cathédrale Saint-Gatien par Mgr Gaillard.

D’abord vicaire à la cathédrale de Tours, il fut nommé aumônier des lycées Descartes, Balzac et Grandmont à Tours où sa santé souffre un peu de l’intensité de son engagement auprès des jeunes. Souvent il les emmena à Fontgombault, une abbaye bénédictine qui eut une importance centrale dans sa vie et son sacerdoce : il en devint oblat en 1961. Quittant Tours, il fut envoyé à Paris pour des études de droit canonique, qu’il commença en 1965.  Pendant ces études, il était aussi confesseur à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, où il fut inspiré par les intuitions ecclésiales et missionnaires de Monseigneur Charles, recteur de la Basilique, avec lequel se créa une amitié. Les études terminées, il devint délégué général de l’Œuvre d’Orient en 1968 et garda cette charge, qui consistait à recueillir des fonds pour aider les écoles, dispensaires et œuvres caritatives dans les paroisses de toute la France, jusqu’en 1975.

À Paris, son ministère se déployait entre l’œuvre d’Orient, la mission de chapelain au Sacré Cœur et un ministère qui se dessina peu à peu auprès d’étudiants, hommes et femmes, qui le rejoignirent bientôt pour une heure d’adoration silencieuse mensuelle, à Montmartre. De ce silence, naquit l’idée d’une messe hebdomadaire en 1968. Elle est célébrée à la chapelle du Bon Secours, rue Notre-Dame-des-Champs, chapelle toute proche des bureaux de l’Œuvre d’Orient. L’abbé Guérin entendait donner à ces jeunes gens une solide formation centrée sur la vie intérieure, la vie sacramentelle, sur le discernement des vocations, mariage, sacerdoce, vie religieuse. Son action apostolique auprès de ce groupe comprendra aussi des camps – un mélange entre retraite et vacances, ce qui donna naissance aux futurs « Routes Saint-Martin ». Mais dans le temps de la réforme liturgique, il leur transmit aussi sa docilité envers les décisions du Concile et du Pape, face à certains qui ne veulent rien entendre sur le nouveau missel promulgué par le Pape Paul VI.

Proche des moines bénédictins de Fontgombault et des Sœurs Servantes des Pauvres, l’abbé Guérin accompagna des jeunes vers des vocations religieuses, contemplatives et apostoliques. Mais, plusieurs jeunes gens lui partagèrent leur désir de devenir prêtres diocésains. En février 1976, le cardinal Siri, archevêque de Gênes et Dom Jean Roy, Père Abbé de Fontgombault, se rencontrèrent à Rome où ce dernier demanda au cardinal s’il est possible d’accueillir des amis français à Gênes. L’accord fut immédiat : les études au séminaire seraient gratuites et un couvent capucin situé à dix-sept kilomètres du centre-ville serait mis à leur disposition. C’est alors que le 1er novembre 1976, commença la Communauté Saint-Martin par un cours intensif en italien ; suivirent les travaux à entreprendre au couvent de Voltri qui est en très mauvais état. Les années italiennes furent celles de la fondation, avec l’appui constant du cardinal Giuseppe Siri, qui, à sa démission, nomma l’abbé Guérin chanoine d’honneur de sa cathédrale.

L’année 1993 fut celui du retour en France, pour les membres de la Communauté. Aidé par les premiers membres, l’abbé Guérin guida cette installation à Candé-sur-Beuvron, dans le diocèse de Blois. Ce furent des années plus difficiles, marquées par différents problèmes de santé. L’abbé Guérin fut de plus en plus secondé. En février 2004, il présenta sa démission. Demeuré à Candé, il fut rappelé à Dieu le 21 mai 2005. Après ses obsèques à la cathédrale Saint-Louis de Blois, il fut inhumé au cimetière d’Artannes-sur-Indre, son village natal.

Le 18 juillet 2024, un communiqué faisant état des conclusions du rapport de la visite pastorale a révélé des faits reprochés par plusieurs anciens membres de la communauté à l’abbé Guérin. Nous entendons avec douleur la souffrance que certains ont pu exprimer auprès des visiteurs et allons effectuer courageusement ce travail de relecture qui permettra de faire évoluer cette page. Afin de recueillir la parole des personnes qui souhaiteraient se manifester, vous pouvez contacter, au nom de Mgr Matthieu Dupont qui a été nommé assistant apostolique de la communauté, la Cellule d’écoute des diocèses des Pays-de-Loire à l’adresse suivante : paroledevictimespaysdeloire@gmail.com

Biographie

Don Paul Préaux

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Don Paul Préaux, né le 6 octobre 1964 à Laval (Mayenne), rentre au séminaire de la Communauté Saint-Martin alors installée à Voltri (diocèse de Gênes, Italie) en 1982. Il est ordonné diacre en avril 1988 à Saint Raphaël (Var) par le cardinal Siri et obtient son baccalauréat de philosophie et de théologie. L’année suivante, le 4 juillet, il est ordonné prêtre à Gênes par le cardinal Canestri.

En 1990, don Paul obtient une licence canonique de théologie dogmatique à Fribourg (Suisse) et devient responsable de la maison de formation de Voltri. Il est envoyé à Rome en 1992 pour l’année d’habilitation au doctorat et commence ensuite sa thèse.

Nommé, en 1995, chapelain au sanctuaire de Notre-Dame de Montligeon (Orne), il devient recteur de ce sanctuaire consacré à la prière pour les défunts, charge qu’il occupera jusqu’à son élection comme Modérateur général de la Communauté Saint-Martin. Pendant cette période, don Paul est également membre du conseil presbytéral du diocèse de Sées pendant six ans et secrétaire du même conseil pendant 3 ans.

Docteur en théologie en 2005, don Paul est l’auteur d’une thèse sur Les fondements ecclésiologiques du Presbytérium selon le concile Vatican II et la théologie post-conciliaire. Enseignant la théologie dogmatique à l’École de théologie de la Communauté, depuis 1993, il intervient également dans différents lieux d’enseignement, comme le Centre d’études théologiques de Caen. Il est également sollicité pour prêcher des retraites et intervenir dans différents diocèses et communautés, notamment des thèmes de la spiritualité sacerdotale et de l’espérance chrétienne, sur lesquels il a publié des ouvrages.  Renvoi à la page de ses publications.

Le 26 avril 2010, don Paul Préaux est élu Modérateur général de la Communauté Saint-Martin et réélu en 2016 à cette charge pour un nouveau mandat de six ans. Il est à nouveau élu à cette charge en 2022 pour un dernier mandat.